Le catalogue d'un projet curatorial consacré aux livres et magazines de Wolfgang Tillmans : un inventaire en forme d'invitation à s'emparer littéralement du travail de Wolfgang Tillmans sous l'angle de l'imprimé.
Si besoin était, l'ensemble ici présenté suffit à montrer l'importance de l'imprimé dans l'œuvre de Wolfgang Tillmans.
Afin de l'appréhender, il n'est pas inutile d'évoquer les dispositifs d'accrochage de ses expositions. Ils participent de l'œuvre, faisant de Tillmans un incroyable scénographe. Les images ne sont jamais mises ensemble par hasard. Elles entrent l'une l'autre en résonance à la façon d'une constellation. L'échelle y joue un rôle important, dans un rapport de l'infiniment grand à l'infiniment petit.
Cette idée de constellation, dont le visiteur serait l'axe autour duquel pivotent ces images, on la retrouve, sous une autre forme, avec cet ensemble de livres.
Par leur nombre et de facto par la profusion des images qu'ils contiennent. Ils sont une sorte de bibliothèque universelle à la façon d'une tour de Babel où toutes les disciplines se rencontrent, s'entrechoquent, constituant un fragment d'humanité dans toutes ses facettes (scientifique, politique, poétique, érotique…) comme un écho à The Family of Man de Steichen. Un grand tout dans l'univers, en mouvement perpétuel, le livre étant l'outil de la circulation et de la diffusion du savoir. Ces lignes seraient incomplètes sans évoquer le dispositif de présentation. En montrant les livres en consultation libre, c'est le choix de la justesse qui a été fait, le livre impliquant sa manipulation. C'est aussi annihiler la frontière invisible, voire symbolique, qui tient parfois le spectateur à distance de l'œuvre.
Certains de ces ouvrages, qualifiés de livres d'artiste, sont bien des œuvres entre nos mains, Elles nous obligent à nous interroger sur leur forme et sur le rapport que nous entretenons avec elles. Il conviendrait aussi d'aborder la question de la reproduction de l'œuvre, du statut que prend l'image ainsi reproduite, imprimée, recyclée, diffusée; parler de politique pour cet artiste engagé, comme on peut le voir au travers de ses combats en faveur de l'Europe, des minorités. D'évoquer la dimension démocratique voire utopique qui a prévalu dans les années 60 et 70, en rendant l'œuvre, comme ci-dessus évoquée, accessible, en facilitant la circulation des images . De S'interroger sur l'aura de l'œuvre à l'heure de « sa reproductibilité technique » en s'emparant avant même le livre, de l'espace du magazine (I-D, Spex, Arena Homme +…) Un inventaire modeste en forme d'invitation à s'emparer littéralement du travail de Wolfgang Tillmans sous un autre angle. Celui de l'imprimé.
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme au Skwat Kameari Art Centre, Tokyo, du 10 décembre 2025 au 1er février 2026.
Né en 1968 en Allemagne, Wolfgang Tillmans vit et travaille à Londres. Il s'est rendu célèbre dès les années 1980 en investissant les sujets traditionnels de la photographie pour en renouveler l'approche et la perception, en abordant les thèmes liés aux modes de vie de ses contemporains (sexualité, mise en question des normes sociales, musiques électroniques...).
Premier photographe et artiste non britannique à recevoir le Turner Prize de la Tate Modern, Wolfgang Tilmmans a exposé dans les plus grandes institutions internationales : Stedelijk Museum, Amsterdam (2008) ; Hamburger Bahnhof, Berlin (2008) ; Kunsthalle, Zurich (2009) ; Moderna Museet, Stockholm (2009) ; Philadelphia Museum of Art (2014) ; Centre Pompidou, Metz (2014) ; National Museum of Modern Art, Osaka (2015) ; Metropolitan Museum of Art, New York (2015) ; Fundaçao de
Serralves, Porto (2016) ; Tate Modern, Londres (2017) ; Fondation Beyerler, Bâle (2017) ; Kunstverein, Hambourg (2017) ; Musée d'Art Contemporain, Kinshasa (2018)...