Si
Eins. Un. One… (1984) est une pièce emblématique de la collection du MAMCO, c'est également la dernière grande œuvre de Robert Filliou. Il s'agit de 5'000 dés bleus, rouges, jaunes, noirs, blancs et couleur bois, de différentes tailles, avec un seul point sur chaque face et qui sont répartis aléatoirement sur une surface de neuf mètres de diamètre.
Cet ouvrage contient un texte introductif de Michel Collet qui rend compte de la puissance conceptuelle du travail de Filliou, tandis que Sophie Costes parcourt attentivement le corpus de l'artiste dans la collection du musée – depuis Poï-Poï, son premier catalogue d'exposition en 1961 jusqu'à
Eins. Un. One… Son analyse démontre que Robert Filliou s'est toujours appuyé sur le jeu, l'action, la philosophie et le langage pour interroger les fondements de la création artistique avec humour.
Ce livre nous rappelle aussi que Filliou, qui aimait se considérer comme un « génie sans talent » a côtoyé
Joseph Beuys,
George Brecht,
John Cage,
Dick Higgins, Allan Kaprow,
Daniel Spoerri et même le Dalaï-Lama, tout en restant une figure discrète qui souhaitait abolir les hiérarchies établies par l'histoire de l'art – un projet dont l'héritage dépasse l'esprit néo-
dadaïste de
Fluxus auquel il est généralement associé.
Artiste français, Robert Filliou est né à Sauve (Gard) le 17 janvier 1926 et décédé aux Eyzies de Tayac (Dordogne) le 2 décembre 1987. À l'âge de 17 ans, en 1943, il rejoint la Résistance communiste (FTP). Après la guerre, il part aux États-Unis ; il reste employé chez Coca-Cola pendant deux ans. Il fait alors des études d'économie à l'Université de Californie à Los Angeles, obtenant un MA en 1951. C'est comme économiste qu'il travaille à Séoul (Corée) au service de l'Agence de reconstruction coréenne des Nations Unies, entre 1952 et 1954. Abandonnant alors ses fonctions, il consacre son temps à voyager, séjournant en Égypte et en Espagne. En 1957, il s'installe à Copenhague, où il épouse Marianne Staffeldt. En 1959, il rencontre Daniel Spoerri à Paris qui lui fait connaître l'avant-garde artistique, et l'année suivante Emmett Williams, avec qui il aura une collaboration artistique fructueuse. Il commence à écrire des pièces de théâtre :
C'est l'ange,
Soumission au possible… Parmi ses première œuvres, l'
Étude d'acheminement de poèmes en petite vitesse, qui propose l'envoi par la poste de poèmes-objets, ou
La Sémantique Générale, un alphabet illustré, ouvrent sur un territoire original s'étendant entre objets, action et poésie. En juillet 1962, il présente dans les rues de Paris sa
Galerie Légitime, contenant des œuvres de
Ben Patterson dans une casquette. Après un séjour à New York en 1964, il tient avec
George Brecht La Cédille qui sourit à Villefranche-sur-mer, près de Nice, entre juillet 1965 et mars 1968 ; il s'agit pour lui de la première incarnation d'un « Centre international de création permanente ». Si sa participation à
Fluxus fut limitée, son œuvre ultérieure en incarne tout l'esprit. De l'
Autrisme (« quoi que tu fasses, fais autre chose ») au
Principe d'équivalence (entre le « Bien-fait », le « Mal-fait » et le « Pas-fait »), de la
Création Permanente au
Territoire de la République Géniale, l'art est pour lui l'instrument d'une utopie sociale, valorisant la création dans la vie quotidienne. En 1985, il se retire dans un monastère bouddhiste en Dordogne.
Voir aussi
Pierre Tilman : Robert Filliou, Nationalité poète ;
Cyrille Bret : Robert Filliou et sa recherche.