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Home Sweet Home Home Sweet Home Enrico Baj, Martin Kersels - Home Sweet Home
Catalogue réunissant les séries de travaux réalisées autour du mobilier par deux artistes de générations différentes mais ayant en commun un même refus de l'autorité, les tableaux d'Enrico Baj produits au début des années 1960 répondant aux sculptures inédites de Martin Kersels.
Trente-cinq ans séparent les deux artistes réunis à la faveur de leurs séries mobilières respectives. Ce rapprochement montre que les deux hommes ont bien plus en commun. S'ils ne partagent pas le même style artistique ou la même conception de l'art, l'aîné a encore besoin de cimaises pour suspendre ses peintures tandis que le cadet réalise une œuvre « qui ne s'accroche pas forcément sur un mur ou dans une vitrine ». Ils ont ce goût politique semblable qui fait de leur production plastique un plaidoyer contre l'art bourgeois. En choisissant tous deux l'absurde et le grotesque comme expression de leur travail, ils dénoncent le conformisme de la société qui est la leur. Les meubles qu'ils représentent sont cabossés, branlants, reconstitués, tordus. De leur fragilité anthropomorphe naît une résistance au conservatisme qui revendique le droit à la différence, à la précarité, à la chute. S'ils ne l'expriment pas de la même façon, mais toujours avec de l'humour, qu'il soit cynique ou nostalgique, Enrico Baj et Martin Kersels laissent tomber les masques que chacun de nous porte, perpétrant une comédie sociale dans laquelle triomphent les faux-semblants et l'hypocrisie.
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme à la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Paris, du 10 juin au 23 juillet 2022.
Issu du milieu bourgeois milanais, Enrico Baj (1924-2003) est, très jeune, marqué par un refus de l'autorité. Après des études de médecine et de droit, il rejoint l'Académie des Beaux-Arts de Brera dont il suit l'enseignement de 1945 à 1948. Il s'intéresse à ses débuts au tachisme, mouvement européen présenté comme étant analogue à l'expressionisme abstrait américain. De nature anarchiste, il s'oppose aux canons stylistiques de l'art et fonde en 1950 avec le peintre surréaliste Sergio Dangelo (Milan, 1932-2022) le mouvement « Arte Nucleare », considéré comme l'équivalent Italien de CoBrA (1948-51). Cet engagement hautement politique, dans ce qu'il oppose l'art à l'environnement désormais menaçant des humains, a pour but d'atomiser les formes picturales. Dans leur manifeste, publié en 1952, ils affirment : « Nucleari veut briser tous les 'ismes' d'une peinture qui tombe inévitablement dans l'académisme, quelle que soit sa genèse. Ils veulent et peuvent réinventer la peinture ». Le mouvement réussit à fédérer des artistes internationaux tels Yves Klein, Arman ou le peintre danois Asger Jorn qui, deux ans plus tard, alors qu'il réside en Italie, se rapproche de Baj pour fonder, avec Pierre Alechinsky et Karel Appel, le « Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste » (1953-54), encourageant les artistes à dépasser les frontières de leur discipline d'origine pour penser le rôle de l'art à l'ère atomique. Pataphysicien revendiqué, adepte de cette « science des solutions imaginaires qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité » selon la définition d'Alfred Jarry, son inventeur, Baj abandonne l'abstraction gestuelle au milieu des années cinquante pour développer une pratique très personnelle de peinture carnavalesque à l'esthétique volontairement kitsch, ayant pour but de renverser les conventions bourgeoises du « bon goût ». À partir de 1955, il y introduit par collage des éléments préfabriqués tels des boutons, des passementeries, et autres éléments ordinaires faisant surgir ces symboles du quotidien dans un environnement pictural imaginaire. Si les œuvres de Baj lorgnent vers l'absurde, elles s'inscrivent dans le contexte sociopolitique de l'époque. Elles sont, en ce sens, des témoignages de leur temps. En 1957, Baj est signataire, avec Arman, Klein, Manzoni et Restany du manifeste « Contre le style » dans lequel ils affirment le caractère unique de l'œuvre d'art. Baj se lie d'amitié avec Marcel Duchamp qu'il retrouve au collège de pataphysique.
Au sein du collectif SHRIMPS qu'il rejoint dès 1984, Martin Kersels (né en 1960 à Los Angeles) réalise de nombreuses performances dans lesquelles il joue de son physique hors norme, à la fois impressionnant et encombrant. Sa pratique s'oriente par la suite vers des actions qui, si elles se déroulent parfois dans la rue à la vue des passants, n'existent à proprement parler que sous la forme de traces filmiques ou photographiques. On le voit notamment chuter à de multiples reprises dans la rue (Tripping, 1995), tomber à la renverse (Falling, 1994), se faire frapper par ses amis (Friends Smacking Me, 1998), jeter ces mêmes amis (Tossing a Friend, 1996), ou les faire tournoyer en les tenant par les pieds (Whirling, 1996). Avec Fat Iggy (2009), l'artiste pastiche Iggy Pop, qui, sec comme une trique et les muscles saillants, représente dans l'imaginaire collectif le performeur ultime. En reprenant les poses improbables du leader des Stooges, Kersels se met dans une position inconfortable – au propre comme au figuré – dans le but assumé de déconstruire le mythe de la rock star, laissant le regardeur à la fois amusé et quelque peu mal à l'aise face à ce corps pas tout à fait taillé pour reproduire les déhanchements lascifs de « l'Iguane ». Kersels a ensuite réalisé deux installations qui redéfinissent radicalement les frontières qui séparent les aspects performatif et sculptural de sa pratique. La première, Rickety (2007), présentée lors de la rétrospective qui lui est consacrée au Santa Monica Museum of Art en 2008, consiste en un plateau-scène de danse fait de mobilier récupéré sur lequel est joué le soir du vernissage la chorégraphie « uh ! » conçue par Melinda Ring. La seconde, Five Songs (2010), présentée à la Biennale du Whitney en 2010 et la même année à la galerie, se compose quant à elle de cinq modules indépendants oranges, noirs et blancs. Ces sculptures-scènes n'attendent plus qu'un chanteur, un danseur ou un performeur pour être activées, Kersels s'effaçant totalement au profit des artistes conviés à les investir. L'artiste cherche ici à réintroduire le corps à l'intérieur de l'espace d'exposition. Il parvient à transcender le rapport au corps tel qu'il est habituellement envisagé dans la performance ou la sculpture, tout en sondant avec subtilité les notions d'auteur et d'authenticité.
Edité par Marianne Le Métayer.
Texte de Guillaume Lasserre.

Conception graphique : Amélie Boutry.
 
paru en septembre 2022
édition bilingue (français / anglais)
21 x 30 cm (broché)
64 pages (ill.)
 
22.00
 
ISBN : 978-2-9567542-6-8
EAN : 9782956754268
 
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