Brunhild Ferrari et Christoph Heemann créent, pour leur première collaboration, une pièce de musique concrète qui constitue un véritable cinéma pour l'oreille.
Créée ensemble dans le studio parisien des Ferrari (autrefois partagé avec
Luc) entre 2011 et 2014,
Stürmische Ruhe est une pièce unique d'une demi-heure qui incorpore des enregistrements de pluie et d'orage dans un tissu complexe d'électronique fantomatique, de montages et de traitements inattendus. Débutant par le bruit sourd d'une porte qui claque (un élément qui réapparaîtra périodiquement tout au long de la pièce comme une sorte de ponctuation), il est d'emblée évident que le son concret est utilisé ici de manière libre et poétique, en dehors des limites strictes de l'enregistrement documentaire de terrain. Le vent capté par le microphone de Brunhild Ferrari rugit et siffle, accompagné d'épaisses grappes de sons vacillants dont variations de volume imprévisibles sont synchronisées avec le bruit des fenêtres et des portes. À certains moments, le son du microphone se fond dans un brouillard numérique ondulant avant de s'étendre dans de vastes profondeurs atmosphériques. Le cinéma pour l'oreille construit ici ne suggère pas une narration linéaire ou un documentaire, mais un flux organique de fondus enchaînés, de doubles expositions et de coupures abruptes, des associations libres oniriques dans lequel le vent et l'eau prennent une dimension mythologique. Tout au long de la seconde moitié de la pièce, des couches de sons synthétiques flottants et de glissandi ascendants négocient un équilibre en constante évolution avec les chuchotements et les bruissements du vent, tombant parfois dans le silence, ou s'élevant avec une force élémentaire. Comme l'explique Ferrari dans ses notes,
Stürmische Ruhe est une « rencontre entre des mondes sonores totalement opposés », associant la « quasi-violence » avec une « harmonie réconciliatrice ». Réaffirmant les possibilités infinies de la tradition de la musique concrète tout en évitant ses tropes académiques,
Stürmische Ruhe est accompagné de notes trilingues de Brunhild Ferrari et présenté dans une pochette ornée des peintures d'art informel de son père, Wolfgang Meyer Tomin.
« En commençant à enregistrer dans un seul espace clos, à l'abri d'une tempête et d'une très forte pluie, et en invitant Christoph Heemann à écouter la composition de ces sons, nous vouions que nos mondes sonores complètement opposés se rejoignent. Le résultat est une union entre la presque-violence et une certaine harmonie conciliante. »
Brunhild Ferrari
Brunhild Meyer est devenue Brunhild Meyer-Ferrari après son mariage avec
Luc Ferrari. Elle a été sa plus proche collaboratrice pendant plus de quarante ans. Parallèlement à son activité d'interprète et traductrice, elle réalise ses propres compositions et se consacre à l'association Presque rien autour de Luc Ferrari qu'elle a fondée, ainsi qu'à la sauvegarde et numérisation des archives de celui-ci.
Figure légendaire de la musique underground, Christoph Heemann (né en 1964 à Aix-la-Chapelle, Allemagne) est l'auteur d'une œuvre singulière initiée avec les collages musicaux surréalistes de Hirsche Nicht Aufs Sofa au milieu des années 1980 puis développée à travers de nombreuses collaborations, avec
Merzbow, Organum,
Nurse With Wound,
Lee Ranaldo,
Charlemagne Palestine, William Basinski, Mirror (avec Andrew Chalk), In Camera (avec Timo van Lujik), Plastic Palace People (avec
Jim O'Rourke), Mimir (avec O'Rourke et
Edward Ka-spel), et des compositions en solo souvent décrites comme du cinéma pour l'oreille.
