The Vestige est le premier aboutissement d'une collaboration intergénérationnelle entre Giuseppe Ielasi, figure clé et discrètement prolifique de la scène européenne de la musique expérimentale depuis plus de vingt ans, et Jack Sheen, jeune compositeur, chef d'orchestre et artiste sonore de Manchester, passé sans transition de la composition et des installations énigmatiques de musique de chambre à la direction de l'Orchestre symphonique de Londres.
Leurs matériaux et leurs méthodes de travail diffèrent considérablement : Ielasi s'est concentré pendant de nombreuses années sur les techniques électroacoustiques, parallèlement à son engagement constant pour la guitare, tandis que Sheen compose principalement pour des instruments traditionnels. Ce qui est plus important, cependant, c'est ce qu'ils partagent : une fascination pour ce que Sheen appelle « un matériau musical mystérieux et liminal », utilisant des répétitions irrégulières et des formes cycliques pour créer des structures à la fois vivantes et presque statiques, ainsi qu'une exploration rigoureuse de la diffusion spatiale et de l'interaction de l'événement sonore et de l'environnement. Travaillant individuellement avec une bibliothèque de sons d'instruments acoustiques issus des récents projets de Sheen et la guitare de Ielasi, le duo s'est finalement retrouvé pendant plusieurs jours dans le studio de Ielasi à Monza, pour sculpter les quatorze pièces qui composent The Vestige.
Comme les œuvres solo de Ielasi et Sheen, le disque révèle une attention toute particulière aux détails des séquences et du rythme, la palette sonore et l'approche compositionnelle étant cohérentes d'un bout à l'autre, alors que chaque morceau affirme sa propre identité. Au cours de squatorze pièces du disque, Ielasi et Sheen explorent un espace ambigu où les distinctions entre hauteur et bruit, répétition et irrégularité, électronique et acoustique restent floues. Comme le suggère le titre du disque, les origines des sons que nous entendons sont devenues lointaines : les bribes de timbres et d'attaques qui pourraient provenir d'instruments à vent, de cordes à archet ou de guitares préparées, restent des traces vestigiales, perçues à travers un voile de textures de bruit blanc changeant. Ces textures sont elles-mêmes difficiles à identifier, suggérant des artefacts du processus d'enregistrement, de la synthèse électronique, du son amplifié de la pièce, d'instruments ou d'objets frottés. The Vestige témoigne d' un degré inhabituel d'attention à la gamme de fréquences en tant qu'outil de composition, dans un mouvement qui consiste autant à ajouter ou à retirer une bande de fréquence qu'à modifier la densité, le contenu harmonique ou la texture instrumentale. Les pistes sont marquées par l'apparition soudaine de basses ou de hautes fréquences sur une trame par ailleurs continue, ce qui contribue à nous donner l'impression que ces quatorze pièces sont comme des vues différentes d'une scène que l'on ne peut jamais voir clairement. Tout en faisant appel à un ensemble de musiques du passé, des premières œuvres de Rolf Julius aux enregistrements de Simha Arom de polyrythmies d'Afrique centrale, en passant par les distorsions temporelles et les strates sonores de DJ Screw, l'univers séduisant et déconcertant de The Vestige lui est tout à fait propre.
Guitariste et musicien expérimental, compositeur et producteur, Giuseppe Ielasi (né en 1974, vit aux alentours de Milan) travaille depuis des années dans le domaine de la musique improvisée. Il a collaboré sur le long terme avec Renato Rinaldi au sein du duo Oreledigneur, avec
Thomas Ankersmit,
Michel Doneda, Ingar Zach ou
Dean Roberts.
Entre 1997 et 2006, on a pu l'entendre en concert avec Taku Sugimoto,
Jérôme Noetinger, Mark Wastell, Martin Siewert, Nmperign,
Brandon Labelle, Nikos Veliotis,
Alessandro Bosetti, Gert-Jan Prins,
Phill Niblock,
Oren Ambarchi et bien d'autres.
Depuis 2007, il s'intéresse tout particulièrement à la performance solo, en utilisant toujours la guitare comme source sonore première mais aussi en intégrant des microphones et des dispositifs de haut-parleurs en multicanal afin de créer des réseaux complexes de diffusion sonore, en relation avec l'espace.
Il a débuté une collaboration avec la vidéaste autrichienne Michaela Grill (tournée aux États-Unis en 2007, participations au Rotterdam Film Festival, Evolution Festival à Leeds, FilmSoundFilm à Marfa, Texas) et prend part à des performances et installations avec Renato Rinaldi and
Armin Linke (ZKM à Karlsruhe, Villa Romana à Florence, Kunsthalle à Berlin, Festival della Scienza à Genève).
En 1998, il crée le label Fringes recordings (actif jusqu'en 2005) et l'année suivante, il co-fonde Schoolmap Records.
Voir aussi
Bellows (Giuseppe Ielasi &
Nicola Ratti).
Jack Sheen (né en 1993) est un chef d'orchestre et compositeur de Manchester, reconnu pour son approche inventive de la musique, qui allie les traditions orchestrales à une perspective interdisciplinaire élargie. Sa propre musique comprend des compositions orchestrales et de chambre, des installations et des performances situées.