Un voyage inédit dans l'œuvre pluridisciplinaire étonnante du poète et artiste total Altagor (1915-1992), à travers des centaines de productions et de documents inédits, permettant de confronter les différents aspects d'un travail pionnier, notamment son oralité et ses expressions sonores, sa poésie, ses dessins, peintures, sculptures, instruments de musique, enregistrements, manifestes, jeux, etc.
Publié suite à l'exposition éponyme à l'Enseigne des Oudin, Paris, du 6 septembre au 7 octobre 2023.
Altagor (né André Vernier en 1915 à Jœuf en Lorraine, mort à Paris en 1992), issu du prolétariat, travaille dans les mines dès ses 14 ans et dit « parcourir la forêt depuis ses 7 ans, déclamant une logorrhée ». Il publie ses premiers poèmes à 19 ans pour lesquels il est distingué par l'Académie Nationale de Metz, tout en écrivant des
Poèmes pour Simonia, la femme rêvée. Puis, il s'affranchit peu à peu d'un lyrisme conventionnel avec ses
Odes Symphonistes pour développer ce qu'il appelle la
Métapoésie et la
Parole transformelle à la fin des années quarante (d'où des conflits avec
Isidore Isou et son lettrisme). ll déménage à Paris, exerçant le métier de correcteur. Alors il multiplie ses tracts et invitations à des « auditions / démonstrations illimitées ». Au début des années 1960, il s'adonne à la
Peinture isomorphe et invente en 1963 des instruments de musique :
Métaphone,
Pantophone et
Plectrophone. La décennie suivante, il crée un jeu d'
Hyperéchecs toujours inédit, mais réussit en 1976 à commercialiser son jeu de
Doubles Dames par la firme Mako.
Malgré quelques rares publications, par l'inventeur de la musique concrète
Pierre Schaeffer dès 1953 ou l'éditeur de Sade, Jean-Jacques Pauvert en 1956 et 1964, ainsi que quelques relais d'artistes tels le poète sonore
Henri Chopin, le créateur du
Signisme Robert Estivals, la compositrice Maggy Lovano, l'inclassable Chomo, les cinéastes de
film mondo Edouard Logereau et Jean-Louis Van Belle, ou encore les artistes d'art corporel
Pierre Molinier qu'il rencontre dans les années 1970 et Thierry Agullo, éditeur à ses heures, Altagor restera marginalisé durant ces décennies successives.
Une première reconnaissance vient d'Italie. A la suite d'Arrigo Lora-Totino et de son anthologie de poésie sonore
Futura (1978), la revue
Baobab d'
Adriano Spatola publie une première cassette consacrée à Altagor dans les années 1980, date à laquelle la revue
Offerta Speciale de Carla Belola et Alberto Vittachio accueille Altagor à côté de poètes italiens, tandis que le collectionneur Francesco Conz acquiert dans les années 2000, pour ses archives à Vérone, un
Pantophone. Fait notable, le romancier culte chilien, Robert Bolaño imagine dès 1984 une scène burlesque réunissant Altagor, Isidore Isou et Georges Perec dans
L'Esprit de la Science-fiction, publié posthume, chez Points 2021.
En 2017, coup de théâtre : une partie des archives d'Altagor est acquise par Kevin Repp pour la prestigieuse Beinecke Library (Yale University) à New Haven (USA), puis partiellement montrée dans l'exposition « Beyond Words » en 2019. Dans cette institution, Altagor rejoint
Filippo Marinetti, James Joyce,
Gertrude Stein ou Gil J Wolman.
Alors qu'en France, après sa mort, Altagor demeure encore trop méconnu, hormis pour tenter de l'imposer, des éditions et accrochages sont organisés par Robert Estivals, son fils Marc Vernier à la Halle Saint-Pierre (Ville de Paris), Alain Oudin, la librairie Lecointre et Drouet ou Bernard Blistène au Centre Pompidou avec cinq planches en 2013 et les initiatives de Marin de Charette,
Jacques Donguy,
Michel Giroud, René Licata, Jean-Bernard Pouy, Richard Meier.
La rétrospective
Thierry Agullo de l'an 2000, motivée par la complicité d'Agullo avec Pierre Molinier a conduit Jacques Balmont, imprimeur, adjoint aux Affaires Culturelles de Villeneuve-sur-Lot et ami d'Agullo à donner à l'Enseigne des Oudin les originaux du livre d'artiste qu'Altagor sortait chez Agullo et dont la maquette
« Transformelles », un lettriste avant la lettre est présentée. Agullo est mort en rejoignant Bordeaux après avoir montré celle-ci à Altagor. C'était en 1980. Ce don de confiance de Balmont a entraîné une première exposition
Altagor à l'Enseigne des Oudin en 2003, remarquée par le compositeur
Frédéric Acquaviva, alors free-lance à
Nova Magazine sous le pseudonyme de Ludo Stein. Auteur de la
première monographie sur l'œuvre d'Isidore Isou en 2018, Acquaviva, soutenu par le Fonds de dotation Enseigne des Oudin, est allé en 2022 consulter les archives d'Altagor à la Beinecke Library. Réunissant leurs fonds à celui de Marc Vernier, Enseigne des Oudin et Frédéric Acquaviva ont organisé en 2023 la première vraie rétrospective d'Altagor, poète essentiel de la deuxième moitié du XXe siècle…
Kalaande Ironé Sigor Eriande Kernoeuze.