Cette première monographie retrace trente années de pratique en Allemagne, à Londres et en France. Elle réunit reproductions, vues d'expositions et essais, et présente également seize peintures spécialement conçues pour l'occasion, imprimées sur un papier offset. Telles des poupées russes, elles créent une mise en abyme de la fabrication du livre, brouillant la frontière entre documentation et œuvre.
	Tout bon mixologue vous dira que    le principe du cocktail repose sur l'alchimie née du savant mélange et de    l'équilibre des ingrédients et des saveurs, servi avec style et élégance. 
      Un cocktail n'est pas une boisson ordinaire et une cocktail party n'est    pas un rassemblement ordinaire ; tous deux marquent la plupart du temps un    moment spécial et appellent à être appréciés. Bien souvent, la personne en    quête de fête recherche une distraction délicieuse face au quotidien, un    voyage sensoriel qui stimule ses yeux et ses papilles, l'amenant tout juste à    ce point d'équilibre entre une nuit inoubliable et une gueule de bois    atroce.
      L'« effet cocktail party » est un terme psychologique désignant la    capacité humaine à filtrer les sons parasites dans un environnement bruyant    pour se concentrer sur un seul stimulus. Michaela, cependant, vit l'inverse :    elle explore le monde sans filtre et en surrégime. Surfaces, textures, formes    singulières, proportions distordues, associations étonnamment harmonieuses et    dissonances flagrantes s'imposent toutes avec la même intensité. En ce sens,    elle devient elle-même un cocktail : un mélange agité et remué    d'ingrédients.
      Absorbant les fragments de réalité avec une énergie hors du commun, sa    perception multifocale s'ancre dans un système de références profondément    personnelles, nourries d'expériences et de relations. Son cadre culturel    englobe des repères visuels allant de la peinture de la Renaissance italienne    et de la nature morte hollandaise du xviiᵉ siècle au vin millésimé, aux    photogrammes de films, à la publicité et à la musique pop. Ses observations    sont traitées, beaucoup étant abandonnées en cours de route. D'autres sont    démontées, analysées, distillées, réassemblées, puis finalement condensées en    une œuvre d'art. Sa forme est déterminée par la disponibilité des matériaux    et par l'habileté subliminale de l'artiste.
      Les motifs de Michaela sont d'une grande diversité, mais le plaisir    immense qu'elle prend à explorer les effets optiques – reflets sur toutes    sortes de surfaces, prismes lumineux ou jeux d'ombres – est palpable. Tout    aussi impressionnante est sa capacité à appliquer quelques touches de    peinture, que ce soit avec un pinceau, une saucisse ou un cornichon, pour    saisir la fragilité d'une feuille fanée dans un bouquet abondant, la texture    onctueuse d'un morceau de beurre ou la peau brillante de salive tirée d'une    image pornographique. L'exécution et la forme déterminent ici la fiction et    la fonction.
      Le travail de Michaela est généreusement servi et terriblement tentant. À    la dégustation, c'est une explosion somptueuse de saveurs. L'esprit et    l'ironie y tiennent une place de choix. Le public se laisse souvent séduire    par des titres suggestifs, ou se retrouve face à des sculptures qui    bousculent les frontières entre usage, design et décor. Pourtant, derrière    cette façade joyeuse, se déploie un réseau contextuel de questions et    d'affirmations critiques. Michaela aborde sans crainte des sujets qui    éveillent sa curiosité, sa colère ou son dégoût. Elle n'hésite pas à exposer    ses blessures à ceux qui veulent bien les voir. En explorant les nuances du    cocktail, on peut aussi percevoir quelques notes amères : un coup de griffe    au patriarcat, la douce subversion des codes esthétiques bourgeois, ou une    inquiétude fugace face aux conséquences du consumérisme. Si le goût n'est pas    aussitôt effacé par la gorgée suivante, ces saveurs délicates persistent et    se développent en une Gesamtkunstwerk synesthésique : un cosmos-cocktail qui    se reflète tout autant dans l'œuvre que dans la personne de Michaela    Sanson-Braun.
	
		Michaela Sanson-Braun (née en 1975 à Stuttgart, Allemagne) a étudié à l'Académie des Beaux Arts de Stuttgart en Allemagne (1994–1999), puis à la Slade School of Fine Art de Londres (1999–2001). Après avoir largement exposé à Londres et en Allemagne, elle vit et travaille aujourd'hui à Nantes.