Cette première parution française de Pati Hill, permettant de découvrir une œuvre littéraire extraordinaire, est une traduction de son roman culte de 1976, révisée à partir d'un brouillon retrouvé dans les archives de l'artiste. Un texte fabuleux, une histoire d'amour trouble d'une femme au foyer avec sa voisine, et un livre d'artiste magnifique. Chaque chapitre ou presque est illustré par une photocopie d'une photographie.
Rêves Impossibles (
Impossible Dreams) est le dernier roman de Pati Hill. Il paraît en 1976 chez Alice James Books, deux ans après que certains extraits paraissent dans le
Carolina Quarterly sous le titre « Une femme au foyer française en colère » (
An Angry French Housewife). C'est le premier texte qu'elle publie depuis 1962, date à laquelle elle affirme mettre fin à la carrière littéraire qu'elle mène depuis près de dix ans pour se consacrer à la vie domestique.
Hill y suit Geneviève, une femme au foyer parisienne dont la vie bascule après sa rencontre avec Dolly, une Américaine fantasque récemment installée dans son immeuble, dont elle se surprend à tomber amoureuse. Marquée par un détachement aussi drôle que cruel, une ironie retenue, l'écriture elliptique de Hill observe le lent dérèglement de l'existence de l'héroïne. Chaque chapitre ou presque (dont la longueur varie d'une unique phrase à trois pages) est illustré par une photocopie d'une photographie collectionnée par Pati Hill, la combinaison du texte et des images formant sa tentative la plus ambitieuse de produire une œuvre d'art où les deux éléments fusionnent.
Dans une lettre adressée à la photographe Eva Rubinstein, Hill écrit : « Mon livre parle d'une femme avec une petite fille et un mari qui tombe amoureuse d'une femme, d'une petite fille et d'un mari, et qui les perd tous, comme dans votre miroir. Cela ne semble pas très joyeux, mais c'est drôle le plus souvent. »
Près de cinquante ans après sa première publication, devenue un objet de collection très convoité, les éditions Daisy publient sa première traduction française, réalisée à partir d'un manuscrit de Pati Hill qui affirma voir d'abord écrit en français au milieu des années 1970 avant de le publier aux États-Unis.
« Pati Hill fait toujours des choses extraordinaires, qui ne ressemblent en rien à ce que font les autres, pleines d'esprit, d'ingéniosité et d'imagination.
Impossible Dreams combine tout cela... »
George Plimpton
« Bien qu'
Impossible Dreams soit qualifié de "roman", je considère cette œuvre comme un livre d'artiste dont les images possèdent la qualité granuleuse de la mémoire. »
Martha Wilson
« Impossible Dreams m'a charmé par son ton drôle et irrévérencieux lors de sa première publication. L'utilisation de photographies intégrées dans le texte était inattendue et transgressive pour l'époque. Brillant ! »
Anne Turyn
Pati Hill (1921, Ashland, Kentucky - 2014, Sens, France) a laissé derrière elle une production littéraire et artistique qui s'est étendue sur une soixantaine d'années.
Après une courte mais fulgurante carrière de mannequin, elle écrit entre 1951 et 1962 une dizaine de nouvelles – dont plusieurs sont publiées dans la prestigieuse revue littéraire de George Plimpton, The Paris Review – et quatre ouvrages qui lui valent une véritable reconnaissance critique.
Hill publie One Thing I Know en 1962 après avoir donné naissance à sa fille. Elle est âgée de quarante et un ans et affirmera plus tard avoir décidé à cette époque « arrêter l'écriture pour se consacrer à la vie domestique ».
S'il est vrai qu'elle ne publie plus aucun ouvrage pendant treize ans, Hill continue d'écrire : des poèmes, un journal ; elle ouvre un magasin d'antiquités ; mais surtout c'est à cette période qu'elle réalise ses premières expérimentations artistiques sur photocopieur, qu'elle commence à utiliser, sans formation artistique, comme un outil artistique, explorant ainsi la relation entre l'image et le texte.
En 1974, Hill publie un recueil de poèmes au titre univoque, Slave Days, dans lequel apparaissent ses premières œuvres : des photocopies d'objets domestiques qui semblent flotter dans un espace indistinct. En utilisant la photocopieuse – une machine stéréotypée liée au travail de secrétariat et donc au travail féminisé – pour représenter des objets quotidiens tels qu'un peigne, un pantalon d'homme soigneusement plié ou un jouet d'enfant, Hill développe une pratique artistique qui traduit de manière programmatique le travail domestique invisible en un langage visuel et public. En utilisant cet outil de reproduction, elle a créé un modèle de production artistique qui s'oppose de manière critique à la convention de l'expression individuelle ainsi qu'à la prétendue neutralité des images produites par la technologie.
À cinquante ans, Pati Hill entame ainsi une carrière d'artiste discrète mais endurante,
qu'elle poursuivra jusqu'à sa mort, et qui la conduit à exposer en France et aux États-Unis. Son œuvre considérable, constituée de milliers de photocopies, de textes et de dessins, est transférée à sa mort à l'université Arcadia, Glenside, Pensylvannie.
Longtemps ignoré, le travail de Pati Hill bénéficie aujourd'hui d'un nouvel intérêt critique et institutionnel. Elle a été le sujet d'une trilogie d'expositions organisées par Baptiste Pinteaux en 2021 à la galerie Air de Paris, Paris, chez Treize, Paris, et à la galerie Ampersand, Lisbonne. Elle a également été le sujet d'une exposition la même année à la Kunstverein de Munich et à la Kunsthalle de Zurich, et un ensemble majeur de son œuvre, Alphabet of the Common Object, a été présenté au sein d'une exposition collective au Whitney Museum de New York.