Sorcières du design croise le design et la figure séditieuse et
féministe de la sorcière : une femme shaker qui refuse sa sujétion à la famille, au couple, à la sexualité et à la fertilité, et revendique son autonomie physique, psychologique et économique.
Sorcières du design opère un gros plan sur « l'ère des manifestations », une décennie de révolte qui appartient autant à l'histoire du design qu'au féminisme, montrant les liens qui les unissent. Cet ouvrage précise les contradictions entre une communauté socialiste utopique égalitaire, la secte messianique socialiste-utopique des Shakers créée en 1774 par Ann Lee, une femme de Manchester de condition modeste, l'émergence du capitalisme industriel et la parole de femmes dont les corps contrôlés n'ont eu d'autres choix que de se rebeller et laisser émerger des voix longtemps réprimées.
Ann Lee postulait un principe d'égalité entre les femmes et les hommes, entre tous les individus, quelles que soient leur couleur, leur nationalité, leur religion ou leur origine sociale. Dix ans après s'être réfugiée aux États-Unis pour y mener son prosélytisme théologique, Ann Lee s'éteint en chantant des glossolalies sur un fauteuil à bascule. Ses successeurs œuvrent alors à la respectabilité et la croissance de la secte. Les principes d'équité sont relégués tandis que le commerce est favorisé, notamment celui des chaises, boîtes, fauteuils à bascule et balais plats.
Mais, en août 1837, au cours des prières quotidiennes, des jeunes filles shakers virevoltent soudainement sans pouvoir s'arrêter : les esprits, celui d'Ann Lee en premier, leur dictent des textes, des dessins et des chants en langues inconnues. L'ère des manifestations décrit cette insoumission des femmes dont les corps vibrent, tournoient et se balancent jusqu'à s'évanouir. Cette révolte procède de la nécessité psychique du retour du refoulé, ici orgasmique, qui renoue avec la liberté et l'extase présentes à l'origine du culte, et depuis longtemps cadenassé. Armées de leurs balais censés purifier les âmes comme les surfaces, les sorcières de la secte s'attaquent à l'absolutisme patriarcal.
Lancée par le mudac – Musée cantonal de design et d'arts appliqués contemporains de Lausanne, Raddar est une collection d'ouvrages dédiés à la recherche sur le design. Elle s'adresse à celles et à ceux qui s'interrogent sur les objets, les espaces, l'architecture, le graphisme, les formes visuelles et les manières de les montrer, ainsi que sur leur circulation, leur histoire, leur évolution technique, leurs significations et leurs différentes matérialités.
Érudit et provocateur, poétique et perturbateur, Raddar présente de nouvelles interprétations du rôle déterminant du design dans la culture d'aujourd'hui. Des voix remarquables, jeunes et inattendues de tous les domaines du design rencontrent celles des sciences sociales et culturelles, de l'art, de la science, de la littérature et d'autres domaines. Espace de dialogue, de critique, de discussion, de spéculation et de surprise, Raddar vise à pointer ses antennes sur les diverses questions complexes du design, révélant la richesse sémantique, visuelle et esthétique de ce domaine ainsi que ses dimensions sociales, politiques et économiques.
Historienne et théoricienne du
design, professeure ordinaire en histoire et théorie de l'art et du design à la
HEAD–Genève/HES-S, Alexandra Midal associe une pratique d'artiste et de commissaire d'exposition indépendante à une recherche en culture visuelle qu'elle traduit dans des œuvres, des expositions, des livres et des films. Elle a publié de nombreux ouvrages (
La Manufacture du meurtre ; Antidesign, petite histoire de la capsule d'habitation en images ;
Design, l'anthologie ;
Introduction à l'histoire du design ;
Matali Crasset…), dirigé de nombreux catalogues et publié des essais dans des revues et catalogues internationaux (MoMA, MOCA, Centre Pompidou, Walker Art Center, etc.). Commissaire d'exposition indépendante pour des musées MAMVP, MAMC, MUDAM, Wolfsonian Museum,
MUDAC, etc., Midal a été directrice de la Biennale de design de Ljubljana BIO28, du FRAC Haute-Normandie, assistante de
Dan Graham, responsable de la Design Project Room de la HEAD–Genève, où elle a organisé de nombreuses expositions :
Carlo Mollino ;
Marguerite Humeau ; Auger-Loizeau ; Superstudio ; Noam Toran, etc. En collaboration avec des artistes, des chercheurs et des commissaires d'exposition, Alexandra Midal explore de nouveaux formats de la pensée intitulés
Abecedarium et, depuis 2009, elle développe une perspective critique de l'histoire des idées via des films de théorie visuelle.