Traduction française du livre majeur de l'anthropologue anglais : l'une des toutes premières tentatives
anthropologiques de définition de l'art, un ouvrage fondamental, tant pour les historiens de l'art que pour les anthropologues.
L'art et ses agents, ouvrage posthume paru en 1998 sous le titre Art
and agency, est sans doute l'une des anthropologies de l'art les
plus singulières et les plus fécondes. Plutôt que de penser l'œuvre
d'art en terme de beauté, Alfred Gell propose de la situer à l'intérieur
d'un réseau de relations entre agents et patients qui manifestent
une certaine agentivité (agency) par l'intermédiaire de
l'œuvre. Cette théorie a une vocation universelle : il s'agit moins de
relativiser le système occidental de l'esthétique que de se rendre
sensible aux mécanismes de l'intentionnalité, des ignames décorés
de Nouvelle-Guinée aux ready-made de Duchamp.
Pour universelle qu'elle soit, cette théorie demeure bien anthropologique
: envisager l'œuvre d'art implique que l'on s'intéresse
aux contextes de sa production et de sa circulation. C'est pourquoi
Alfred Gell entend produire pour l'art ce que Marcel Mauss ou
Claude Lévi-Strauss ont théorisé pour les systèmes de l'échange ou
de la parenté. Empruntant à la linguistique d'Umberto Eco et à la
sémiotique de C. S. Peirce (sans se plier à leurs principes interprétatifs),
les termes qui entrent en jeu dans une combinatoire propre
à l'objet d'art sont l'indice (l'objet lui-même), l'artiste, le destinataire et le prototype – le « réseau de l'art » désignant l'ensemble des
relations qui font qu'un objet d'art est reconnu comme tel par les
différents acteurs sociaux.
Les attitudes que nous avons face à ces objets doivent être comprises
en les rapprochant des systèmes de causalité propres à la
sorcellerie : nous inférons à travers l'objet d'art la présence d'une
personne disséminée. Cette théorie déplace doublement les termes
de l'esthétique occidentale (dont le concept de style) car il s'agit
non seulement d'abolir les frontières théoriques entre l'art « ethnographique » des musées et celui, bien vivant, qui est produit
et circule dans les sociétés, mais aussi de trouver la trame cognitive
commune à La Joconde et aux proues de navires mélanésiens.
L'objet d'art, dans toute culture, a un certain pouvoir de fascination,
qu'on ne peut comprendre qu'en saisissant l'ensemble des
interactions sociales qui président à son émergence.
Cet ouvrage fondamental a été salué par des anthropologues tels que Marshall Sahlins, Maurice Bloch ou, en France, Philippe Descola.
« Alfred Gell est un représentant de ce que l'école britannique d'anthropologie a de
plus glorieux, et l'arrivée en France de son maître ouvrage
témoigne d'une reconnaissance quelque peu tardive, mais dont
les effets seront sans doute profonds. Pour ne rien gâcher,
l'adaptation de l'ouvrage par les Presses du réel se montre à la
hauteur de l'enjeu en proposant des reproductions de très
bonne qualité (...). Jalon dans l'histoire de l'anthropologie (...), L'art et ses agents peut aussi
faire l'objet d'une appropriation originale par tous ceux qui
se trouvent impliqués d'une façon ou d'une autre dans cet art
nexus qu'il décrit. »
Pierre Charbonnier, Tina
Troisième édition (2019).
Alfred Gell (1945-1997) est un anthropologue anglais réputé pour ses travaux sur l'art, le langage et les rituels. Il a enseigné
notamment à la London School of Economics de Londres. Art and Agency constitue son maître ouvrage.