Cet ouvrage retrace la carrière de Focillon avant Focillon, celle du militant
politique aux ambitions littéraires avortées. Avant de devenir l'un des
maîtres du formalisme et l'un des plus grands historiens de l'art
français, le jeune Henri Focillon se rêvait en effet « homme de lettres »,
capable d'investir simultanément les champs des luttes politiques, poétiques
et intellectuelles.
De cette première vie faite d'engagements qui se conclut par une
succession de renoncements, l'historiographie dit peu de choses. De très
nombreux écrits en témoignent pourtant, disséminés dans des feuilles socialistes,
des revues parisiennes ou des ouvrages publiés à compte
d'auteur, parfois sous pseudonyme. La compilation de ces centaines de
pages oubliées donne une grille de lecture extrêmement
éclairante pour ses écrits ultérieurs. S'y trouvent, sous une forme déjà
très accomplie, tous les thèmes que Focillon ne cessera de décliner
tout au long de sa carrière d'historien de l'art, à laquelle ils
donnent une tonalité quasi funèbre et quelque peu nostalgique. Dressant le portrait d'un idéaliste profondément imprégné du socialisme de Jean Jaurès, du souvenir
révolutionnaire d'Auguste Blanqui et des combats artistiques de Gustave Geoffroy,
condamné au resserrement de ses ambitions et à la voie universitaire par ses échecs
politiques et littéraires, ils permettent de retracer le parcours
intellectuel d'un normalien à l'avant-garde dans le domaine politique mais
méfiant vis-à-vis des révolutions esthétiques parisiennes, leur préférant
les odes campagnardes de Maurice Rollinat et les vues de Venise de Félix
Ziem. En cela, la personnalité du jeune Focillon peut être mise en
relation avec les idées de Ruskin, dont il est un lecteur attentif,
scandalisé par l'aliénation des foules, sensible à la beauté des ruelles
rustiques ou des objets fabriqués de main d'homme.
François-René Martin, docteur en science politique et docteur en histoire
de l'art, ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art,
est professeur à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris et à
l'École du Louvre. Spécialiste des mythes raphaëliens au XIXe siècle, il travaille notamment sur Mathias Grünewald.
Pascale Cugy, ancienne élève de l'École du Louvre, est doctorante en
histoire de l'art à l'Université Paris-Sorbonne Paris-IV et chargée de
mission à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Elle
travaille sur l'histoire de la gravure française, l'histoire de la mode et
les écrits politiques et littéraires de Henri Focillon.