les presses du réel

Écrits complets – Volume 8Conversations avec Jean-Christophe Ammann – Portrait – 1988-1989

extrait
Postface
(p. 259-260)


Malgré ou bien grâce à la conviction qu'un artiste est solitaire et que son rapport avec la société est marqué par des malentendus et des incompréhensions, Zaugg chercha la discussion et la coopération. Les entretiens furent pour lui l'expression de l'estime de l'autre pour ce qui constituait ses propre intérêts. On ne peut pas se reconnaître en l'autre, disait-il, mais on peut se connaître, dit-il en 1983 (Écrits complets, vol. 5, p. 105) à propos de sa collaboration avec Jean-Christophe Ammann, alors directeur de la Kunsthalle de Berne, et avec l'artiste Balthasar Burkhard. Le tout premier entretien – fictif – eut lieu avec le tableau de Cézanne dans les années 1960 (Écrits complets, vol. 1). Depuis, le principe dialogique était important pour se comprendre et pour se faire comprendre par l'autre. Cette attitude fut certainement renforcée par les discussions avec l'ethnologue Jacques Hainard autour de 1970 : on sait qu'en ethnologie, l'entretien est la méthode la plus importante pour accéder à la représentation qu'un étranger se fait du monde ; et c'est aussi en ethnologie qu'on réfléchit à l'influence que prennent activement le questionneur et l'observateur.
À part l'intérêt permanent d'un échange personnel sur des questions esthétiques et éthiques avec les personnes qui l'entouraient, Zaugg a mené quatre dialogues concrets avec l'idée de les publier. D'abord, on pense que le choix des partenaires de dialogue s'était fait par hasard, au cours des années, en lien avec les projets entrepris. Mais en regardant de plus près, cela semble être un projet global avec quatre représentants professionnels du monde de l'art : avec le dessinateur et philosophe Pierre Klossowski en 1980-1981 (Écrits complets, vol. 5, p. 9-69), avec les architectes Herzog & de Meuron en 1995 (Écrits complets, vol. 7, p. 129-183), avec le collectionneur Jean-Paul Jungo en 2000 (Écrits complets, vol. 7, p. 207-249) et – le plus détaillé – avec le commissaire d'exposition Jean-Christophe Ammann, entretien mené en 1988-1989, publié en français en 1990 et en allemand en 1994. Ammann était l'un des premiers à avoir développé un discours personnel sur l'activité de commissaire d'exposition. Pour Zaugg, il incarnait, de manière analogue au Hollandais Rudi Fuchs, avec qui l'artiste a collaboré plusieurs fois, un nouveau type de partenaire. L'un comme l'autre n'incarnaient plus le « conservateur fonctionnaire », mais ils portaient leur attention sur la répartition des rôles entre le commissaire d'exposition et l'artiste. Par là, ils se distinguaient de Harald Szeemann qui avait considéré ses expositions comme des visions globales, à caractère mythologique, dont les positions artistiques étaient un des éléments (Écrits complets, vol. 7, p. 35-51).
Divisé en chapitres thématiques, l'entretien entre Zaugg et Ammann trace une image de la fin des années 1980, et est dès lors un document historique sur une époque dans laquelle le profil professionnel du commissaire d'exposition est en train de se constituer.

Eva Schmidt


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