les presses du réel

...écoute, souviens-toi

extrait
Chapitre 103
(p. 122)


« Une erreur que commettent parfois les historiens de l'art : ils tirent des conclusions de ce qu'ils savent au lieu de les tirer de ce qu'ils voient ».
Ainsi parlait François Fosca dans Le XVIIIe siècle, de Watteau à Tiepolo (1).

Gardons-nous bien de parler de l'art d'aujourd'hui au Vietnam (ou ailleurs) si nous sommes historiens de rien du tout, ne connaissant miette de l'art contemporain, ne voyant que ce que nous ne savons pas, afin de ne pas passer pour des prétentieux ridicules.
Surtout, ne prenons pas ce ton faussement enthousiaste, généralement employé avec les enfants qui montrent leur gribouillis : Comme c'est beau ! C'est très bien, tu sais. Bravo ! Continue.

1. Éditions Albert Skira, Genève, 1952.



Chapitre 41
(p. 51-52)


My Tho est situé sur un bras du Mékong, à 72 kilomètres au sud d'Ho Chi Minh-Ville. Avec plus de 100 000 habitants, c'est la principale ville de la province du Tien Giang dans le delta du Mékong.
Il semble que tout est dit de My Tho, une fois signalée la pagode de Vinh Trang (étrange construction pour un sanctuaire). Il faut se rendre dans les environs pour se souvenir des célèbres batailles de Ap Bac (1963) et de Cay Lay en 1972. Car, comme le reste du delta, la province de Tien Giang se prêtait aux maquis et à la résistance, avec ses hautes herbes, la forêt, les cours d'eau entremêlés. C'est pour cela qu'elle n'a pas échappé aux pulvérisations de défoliants toxiques.
C'est aussi non loin de My Tho et en raison d'une nature hostile qu'un médecin militaire, n'ayant pu sauver des soldats des morsures de reptiles, a créé après la guerre une Ferme aux serpents. On y élève aussi ours, singes, crocodiles…, toutes bêtes permettant la préparation des sérums anti-venin, onguents et remèdes traditionnels.
Comme pour confirmer le peu d'intérêt qu'offre My Tho, c'est à côté qu'est né Doan Gioi (1925-1989). Cet écrivain, comme d'autres du delta, a puisé quelques-uns de ses sujets dans la résistance. Mieux que personne Doan Gioi a su décrire la symbiose du paysan et de la nature, la relation intime reliant l'homme du delta à son environnement.
C'est Ut Thao, la jeune fille de La Forêt bruit, la nuit, qui, le jour, assiste aux dévastations de la mangrove de U Minh, proche de Ca Mau, par les hélicoptères US, et, la nuit, replante la forêt de palétuviers, essentielle à la survie des paysans résistants. « Sous la froide clarté de la lune la pirogue avançait lentement, par saccades […] Elle remuait l'eau de sa main gauche, tandis qu'avec la main droite elle piquait une baie de palétuvier dans la boue. Sur le marais immense, elle avait l'air d'un petit crabe. Ces petits crabes qui roulent des boulettes de sable sur la plage. »
Et, mieux que personne, Doan Gioi connaît la faune et la flore du delta. Ses ouvrages en témoignent : Forêts du Sud, L'Appel de la forêt ou l'histoire d'un sanglier domestiqué, Les Rhinocéros dans les forêts vertes, et surtout Les étranges histoires de poissons.
D'après les critiques vietnamiennes, ces œuvres sont riches de renseignements sur les propriétés biologiques, la pêche, la valeur économique de chaque espèce, et aussi certaines légendes de poissons mentionnées dans des ouvrages anciens.
Son écrit Ca Mu, ou Le poisson Mu, nous ramène à My Tho où se déguste ce poisson, dit « oreille d'éléphant ». Le poisson frit est présenté sur la table comme s'il nageait et chaque convive pique une bouchée avec ses baguettes, qu'il enveloppe dans une feuille de salade avec un brin de coriandre.
À My Tho comme à Vinh Long ou à Can Tho, les grandes crevettes d'eau douce au gros sel sont un régal. Mais My Tho recèle une originalité que nul guide touristique ou écrivain ne révèle. Il s'agit du Collège Nguyen Dinh Chieu, dont certains bâtiments datent de l'époque coloniale. La liste des proviseurs de ces temps révolus est affichée. Monsieur Prétou était proviseur en 1932. Si par hasard sa fille Monique me lit, je lui adresse un souvenir ému.
Mais le plus étonnant, datant toujours de l'époque coloniale, est le squelette de la classe de sciences naturelles. C'est celui d'une enseignante française, qui l'a légué à ses élèves.
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