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Cahiers Charles Fourier #23 – Biographies fouriéristes

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Le fouriérisme au prisme de la biographie
Bernard Desmars, Michel Cordillot
(p. 7-9)



Alors qu'il commence à être possible de tirer les premiers enseignements des travaux réalisés dans le cadre du Dictionnaire biographique du fouriérisme, ce numéro à thème des Cahiers Charles Fourier se propose d'ouvrir une réflexion plus large sur la question de l'approche biographique et de ses apports à l'histoire du fouriérisme et du mouvement sociétaire. On sait en effet, grâce aux statistiques de consultation du site, qu'avec environ un tiers des visites, les presque 300 biographies d'ores et déjà mises en ligne constituent l'un des principaux motifs de visite pour les internautes.
Le nombre relativement restreint des disciples (proches ou plus lointains) de Fourier rend possible une approche socio-biographique collective de l'École sociétaire sous ses différentes dénominations successives – et au-delà du fouriérisme en général – qui pourra à terme déboucher sur une étude prosopographique plus fine. En sens inverse, elle permettra également de confronter chaque itinéraire individuel pris séparément à la biographie collective du groupe.
Il n'est en effet pas question pour nous de revenir à la conception d'une histoire « faite » par les grands hommes – théoriciens ou dirigeants de l'École dans le cas qui nous concerne –, mais bien de réfléchir à l'interaction entre l'individuel et le collectif. Il faut prendre en compte chaque trajectoire pour ce qu'elle a de singulier et pour ce qu'elle a apporté à la constitution du collectif et à l'identité du mouvement.
Un des enseignements du travail biographique déjà effectué autour des membres de l'École sociétaire est que celle-ci n'a pas été un mouvement composé de disciples anonymes et interchangeables, porteurs d'une seule et même lecture des théories de Fourier, mais bien d'acteurs venus d'horizons divers avec des motivations ou des interprétations différentes des idées sociétaires, et qui associent à leur engagement phalanstérien d'autres appartenances ou d'autres militantismes. On sait bien que le parcours de vie de chaque individu est déterminé par un ensemble de facteurs d'ordre divers – politiques, sociaux, économiques, mais aussi l'éducation reçue, l'influence des réseaux professionnels ou familiaux, le métier exercé, etc. L'exercice biographique implique dès lors d'aller rechercher la part attribuable à chacun de ces facteurs dans la manière dont sa vie s'est construite. Confronter entre eux des parcours singuliers permet ensuite de dégager des dynamiques et des causalités pouvant éclairer l'action collective du groupe auquel les biographiés ont librement choisi de s'agréger.
Les études réunies dans ce numéro des Cahiers ont en commun de s'inscrire dans cette démarche biographique afin d'en mettre en évidence les potentialités.
Après un bref rappel historique concernant les origines du Dictionnaire biographique du fouriérisme en ligne – éclairé par une mise en parallèle avec le célèbre « Maitron », le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français –, on trouvera rassemblée ici une série de contributions ayant en commun de développer une réflexion sur les apports concrets d'une approche biographique, qu'elle soit individuelle ou collective. L'exemple de Charles Dain permet ainsi de comprendre comment les fouriéristes se sont concrètement efforcés de mener leur travail de propagation, tandis que celui de Marie-Louise Gagneur permet de voir comment les idées de Fourier sont retranscrites dans des œuvres littéraires, qui à leur tour feront office de « passeur » en direction d'un plus vaste public. Avec les articles sur les groupes dijonnais et finistériens, c'est à la fois le rôle cardinal joué par un militant charismatique dans la constitution du groupe et l'importance de la notion de « réseau » (social, familial, professionnel ou autre) qui sont mis en lumière. L'étude sur les derniers militants fouriéristes attire en outre notre attention sur le fait que pour beaucoup d'entre eux, l'engagement sociétaire n'a été que l'une des facettes de leur engagement. Sans chercher bien entendu prétendre à l'exhaustivité, il nous semble que de telles recherches au niveau local et régional constituent un premier pas important vers un élargissement de la réflexion au plan national, voire international.
Le travail biographique entrepris dans le cadre du Dictionnaire biographique du fouriérisme restant encore très largement à l'état de chantier, nous avons également choisi d'introduire dans ce numéro une rubrique nouvelle, intitulée « Chantiers de recherche » – dont chacun pourra dire si elle a vocation à être continuée dans les Cahiers à venir. Les textes qui y sont réunis constituent en effet autant d'« états des lieux » de différentes recherches en cours, avec là encore une réflexion centrée sur l'approche biographique. Ils montrent en même temps comment celle-ci peut permettre de réfléchir à certaines questions plus générales (par exemple celle de la définition de ce qu'est un fouriériste dans le cas de Désiré Adrien Gréa), ou simplement de pousser plus avant les investigations entreprises, par exemple en apportant des éléments de réponse aux questions en suspens dans le cas du groupe de Chalon-sur-Sâone ou en permettant de mieux cerner la réalité de l'École sociétaire expérimentale. Ces différentes présentations constituent bien évidemment une invitation à tous ceux qui souhaitent participer à l'élaboration du Dictionnaire à nous adresser notices, informations, ou compléments. Leurs contributions seront toutes les bienvenues.
Dans le prolongement de cette livraison centrée sur la thématique biographique, les Cahiers s'efforceront de continuer à proposer des angles d'approche originaux permettant de mieux cerner tous les aspects du fouriérisme. C'est dans cet esprit que le prochain numéro, dont la coordination a été confiée à Nathalie Brémand et à Florent Perrier, sera consacré aux « Représentations de phalanstères ».


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