les presses du réel

Renoncer à l'artFigures du romantisme et des années 1970

sommaire
Préface : Christophe Domino


Introduction : Julie Ramos


Gilles A. Tiberghien, « Thoreau, le moyen ermite »

Lorsque Thoreau écrit que le poème authentique n'est pas celui que lit le public et qu'il y a toujours un poème non imprimé sur une feuille de papier, il ajoute : « Le poème non imprimé, c'est ce que le poète est devenu au travers de son œuvre. Non pas de quelle "manière" son idée s'est exprimée dans la pierre, sur une toile ou sur le papier, mais jusqu'à quel point il lui a été donné forme et expression dans la vie même de l'artiste. » (A week on Concord and Merimack River). C'est là une attitude que l'on retrouve chez un certain nombre d'artistes contemporains que l'on pourrait qualifier de « renonçants ». Mais à quoi renonce Thoreau comme poète et comme philosophe ? C'est cette question qui guide ma communication.


Antonia Rigaud, « Le renoncement comme pédagogie de l'écoute chez John Cage »

Il s'agit d'étudier la tension à l'œuvre entre inscription et effacement du discours artistique, en travaillant notamment sur le rapport entre théorie et pratique. La question de l'autorité de l'œuvre d'art dans le contexte d'une création sous le sceau de l'aléatoire donne matière à cette réflexion.


Bertrand Tillier, « Figures du renoncement dans Manette Salomon des frères Goncourt »

On peut considérer Manette Salomon, que publient les frères Goncourt en 1867, comme la chronique du naufrage de la génération de 1830 et, à travers elle, comme une allégorie de la mort du romantisme, qu'incarnent les principaux personnages : le peintre Coriolis, le rapin Anatole et leur singe Vermillon. Si Coriolis personnifie l'échec de l'artiste, on a souvent confondu son destin de génie stérile, avec celui de ses acolytes qui l'épuisent et s'usent dans un jeu sans fin d'imitations duquel aucune œuvre ne sort. Mais le statut du blagueur Anatole est tout autre dès lors qu'on l'examine intrinsèquement : les Goncourt en font moins un vaincu qu'un renonçant. On montrera par quels moyens, selon quel imaginaire, avec quelle visée cette figure est un motif majeur du roman et en quoi elle procède, à sa manière, à l'enterrement du romantisme.


Giovanna Zapperi, « I want to be a machine : le dandysme d'Andy Warhol »

La célèbre remarque d'Andy Warhol indique le point culminant du processus qui a vu l'activité artistique se transformer radicalement suite à l'affirmation des techniques de production et de reproduction des images. En accord avec son affirmation, Warhol transforme l'atelier de l'artiste en usine (The Factory), puisque les œuvres d'art y sont produites de façon sérielle, manufacturées directement par les machines, sans intervention de la main de l'artiste. « I want to be a machine » suggère ainsi l'assimilation de la figure de l'artiste à l'anonymat de la production marchande et souligne le renoncement paradoxal de Warhol, entre l'automatisme de la machine et la mise en scène de sa personne.


Gilles Soubigou, « Ossian et les Barbus : primitivisme et retirement du monde sous le Directoire »

L'admiration vouée par une jeune génération de lecteurs enthousiastes qui ne se savaient pas encore romantiques au barde aveugle et vieillissant Ossian, dernier de sa race, errant parmi les ruines de Morven, sur les bords du Loda, environné par les esprits de ses ancêtres, a été tournée en dérision par Delécluze à travers l'exemple des « primitifs » ou « Barbus » de l'atelier de son maître David, sectateurs inconditionnels d'Ossian, jusque dans leurs costumes quotidiens. Cette contribution propose de revenir sur le contenu de cet ossianisme artistique, qui se voulait largement régénérateur et, pensons-nous, éminemment post-révolutionnaire, en rappelant la fascination exercée sur toute une génération par les descriptions poétiques d'un monde primitif, non pas religieux mais spirituel. L'univers d'Ossian séduisit tous les jeunes gens épris de pureté et de renouveau, les Théophilantropes du cercle de La Reveillière-Lepeaux et les celtisants (l'Académie celtique, créée en 1804, doit beaucoup à la vogue d'Ossian), fut à l'origine de la redécouverte du druidisme au XIXe siècle, et influença possiblement l'éclosion du New Age.


Sophie Delpeux, « Les renoncements d'Allan Kaprow »

Partant de la décision prise par Allan Kaprow en 1958 d'abandonner la peinture pour se consacrer au brouillage entre l'art et la vie, cette étude s'arrête sur les conséquences en cascade de ce choix, ainsi que sur leur source spirituelle.


Olivier Schefer, « Notes sur la passivité et le non-vouloir chez Novalis »

Le propos de cet article est d'examiner la théorie de la création poétique et artistique de Novalis à la lumière de la notion de passivité. On cherchera à déterminer dans quelle mesure sa théorie du vouloir créateur (l'« idéalisme magique ») trouve son prolongement, son contrepoint ou sa négation dans une réflexion sur l'abandon et le renoncement, qui parcourt l'ensemble de ses écrits, sous diverses formes (non-moi, inconscient, vie organique, rêve). Ce faisant, on tentera de démêler les liens complexes que noue Novalis entre la poétique, la mystique et la philosophie naturelle, à l'appui de certains thèmes mystiques empruntés à Madame Guyon et au comte Zinzendorf.  


Alexander Koch, « De quoi (pouvons) nous parler, lorsque nous parlons d'une sortie de l'art ? »

Dans la continuité des travaux de l'auteur sur le phénomène du Kunstausstieg, ou « sortie de l'art », la contribution abordera les prémices de la mise en place d'un champ propre à la pratique artistique dans le romantisme et ses conséquences, tant pratiques que discursives et institutionnelles. Il s'agira dès lors d'interroger la dimension critique de l'abandon de l'art, ainsi que ses implications en termes d'archivage et d'écriture d'une histoire.


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