les presses du réel

Le mythe brisé de l'Internationale situationnisteL'aventure d'une avant-garde au cœur de la culture de masse (1945-2008)

extrait
Mise en garde

« Que l'on cesse de nous admirer comme si nous pouvions être supérieurs à notre temps ; et que l'époque se terrifie elle-même en s'admirant pour ce qu'elle est ».
Guy Debord, Gianfranco Sanguinetti, La véritable scission dans l'Internationale, 1972.
Écrire sur l'Internationale situationniste ne va pas de soi. Certes, la multiplication des ouvrages et des articles depuis une dizaine d'années pourrait laisser penser le contraire. Le groupe suscite un intérêt évident au point d'être devenu une référence à la mode, comme si le temps l'avait neutralisé. Cette curiosité - teintée de fascination - s'est précisément accrue à la suite du suicide de Guy Debord, le 30 novembre 1994. Auparavant, il pouvait sembler plus difficile de traiter un tel thème. Car tout commentateur prenait le risque de se voir ouvertement fustigé par celui qui fut le principal organisateur du collectif. Pour ce dernier, chaque jugement porté appelait une réponse, comme on réplique à l'adversaire au cœur du combat. Nul ne devait imaginer un seul instant pouvoir prétendre à la réflexion sur les situationnistes sans en subir les conséquences. La pensée était de l'ordre de l'attaque. Et l'espace démocratique du débat s'apparentait à un champ de bataille où une prise de position équivalait à un mouvement de troupes : « En fait, nous voulons que les idées redeviennent dangereuses » (1), avait annoncé l'Internationale situationniste en octobre 1967, soit quelques mois avant que ses idées ne se déplaçassent dans les rues de Paris. Aussi, depuis la mort de Debord, une confortable immunité est apparue et le nombre des exégètes n'a cessé de se développer. La guerre a laissé place aux explications plus pondérées qui ont abandonné le principe tranchant selon lequel rien ne devait être ajouté à ce qu'avait été l'histoire de l'Internationale situationniste.

Ce refus de la glose par l'I.S. reste à interroger tant il s'éloigne des conceptions libérales qui prévalent à ce sujet. Il est à mettre en relation avec la conception de l'histoire propre au groupe. Il s'agissait pour ses membres d'être les Sujets de l'Histoire, c'est-à-dire d'intervenir sur les évènements et de participer à « la transformation du réel » (2). L'enjeu était d'agir sur le devenir de l'homme. Sur les traces de Marx, le collectif pensait que « la nature en devenir dans l'histoire humaine (…) est la nature réelle de l'homme » (3). Loin de toute nature immuable, son approche supposait la maîtrise de l'évolution de l'homme, la maîtrise du cours historique, ce qui nécessitait que l'action se substituasse à l'observation : « Dans le temps présent, dans ce qui est souvent considéré comme l'âge des masses, notait l'un d'entre eux en 1963, nous prenons volontiers l'habitude de regarder l'histoire et l'évolution comme des forces qui vont implacablement, tout à fait en dehors de notre contrôle. L'individu ressent profondément son impuissance quand il conçoit l'immensité des forces engagées. Nous, les gens créatifs dans tous les domaines, devons nous défaire de cette attitude paralysante, et prendre le contrôle de l'évolution humaine en assumant le contrôle de nous-mêmes » (4).

Ne pas être les spectateurs de l'Histoire, mais ses acteurs. Telle était l'ambition des situationnistes qui condamnaient la confiscation du temps irréversible par ceux qui détenaient le pouvoir. Ce temps irréversible était compris comme le temps historique de la bourgeoisie, le temps de la classe dirigeante qui avait échangé, à partir de la Révolution française, une constante mutation contre l'organisation statique du monde. Ce temps historique devait être maintenant vécu par tous dans le quotidien. Chacun devait pouvoir réaliser son histoire personnelle, et non être contraint par cette Histoire universelle, à l'intérieur de laquelle rares étaient ceux qui parvenaient à être souverains. Aussi le projet de l'Internationale situationniste était-il de rendre à l'existence individuelle la conscience de sa dimension historique afin qu'elle tentât de ne plus faire qu'un avec l'existence collective.

Mais comme le soulignait le sociologue Henri Lefebvre en 1961, « seuls les jours révolutionnaires, les journées qui "équivalent à vingt années ordinaires" (Lénine) permettent à la vie quotidienne de courir après l'histoire et parfois de la rattraper momentanément. Elles ont lieu, ces journées, lorsque et parce que les gens ne veulent plus et ne peuvent plus vivre comme avant ; la quotidienneté établie ne leur suffit plus et ne les satisfait plus. Alors, brisant les limites du quotidien, le vécu et l'historique se rapprochent » (5). D'évidence, l'I.S. porta à son plus haut point ce désir révolutionnaire de faire coïncider la vie et l'Histoire. Il connut son acmé durant Mai 1968 qui a souvent été considéré comme une véritable accélération du devenir historique au cœur de la banalité de l'espace urbain. Ces journées furent une occasion unique pour les situationnistes d'expérimenter la synthèse tant recherchée entre l'évènement et son récit, habituellement écrit dans l'après. Le 17 mai, le Comité d'occupation de la Sorbonne - auquel participaient les membres de l'I.S. - adressa un télégramme à l'Institut international d'histoire sociale, basé à Amsterdam : « Nous avons conscience de commencer à produire notre propre histoire » soutenait-il (6). Si ce message s'adressait à la postérité, il affirmait dans le même temps que l'Histoire était une narration en actes. La praxis demandait de créer consciemment l'évènement historique.

Le groupe se plaçait aux antipodes de la philosophie de l'Histoire envisagée par Hannah Arendt quelques années auparavant : « L'action ne se révèle pleinement qu'au conteur, à l'historien qui regarde en arrière et sans aucun doute connaît le fond du problème bien mieux que les participants, indiquait-elle en 1958. (…) Même si les historiens sont les résultats inévitables de l'action, ce n'est pas l'acteur, c'est le narrateur qui voit et qui "fait" l'histoire » (7). La philosophe comprenait l'Histoire comme la contemplation distante et solitaire des hautes réalisations de la civilisation, alors que l'Internationale situationniste ramenait le concept au sein de la vita activa : il ne fallait pas se mettre à l'écart du monde pour écrire l'Histoire puisque cette même Histoire était considérée comme la modification des conditions matérielles de l'existence humaine. Là où Hannah Arendt évoquait l'impartialité de l'historien (dont la réflexion visait à la constitution de l'image au repos d'un mouvement sans fin), l'I.S. luttait pour inscrire ses exigences directement au sein de la réalité. En 1970 - deux ans avant sa dissolution -, le groupe rappelait encore que « ce ne sont pas les "historiens" qui jugent, mais l'histoire, c'est-à-dire ceux qui la font » (8). L'objectivité chez les situationnistes consistait en la production d'une pratique concrète, et non en un jugement abstrait, dégagé de toute intervention dans la société.

Pour le collectif, le conflit évoqué précédemment était donc loin d'être une simple métaphore. La guerre livrée contre le capitalisme demandait de ne pas s'en tenir au champ théorique : « Il est évident qu'aucune idée ne peut mener au-delà du spectacle existant, mais seulement au-delà des idées existantes sur le spectacle, précisait Guy Debord en 1967. Pour détruire effectivement la société du spectacle, il faut des hommes mettant en action une force pratique » (9). Cette critique d'une démarche exclusivement conceptuelle s'accompagnait d'une déconstruction de l'idéal de la neutralité propre aux sciences. Face aux vives oppositions qui définissaient l'espace social des années 1960, il n'était pas envisageable de se maintenir en dehors des hostilités. À la suite de l'insurrection de Mai, l'ancien lettriste Jean-Louis Brau expliquait : « Même ce qui pourrait paraître le moins contestable, la science, est contesté. Sa neutralité est niée : "Il n'y a pas de science politiquement neutre" proclament les étudiants berlinois et les étudiants de Nanterre leur font écho : "La science est-elle neutre lorsque le napalm qu'elle a permis est lancé sur les Vietnamiens ?". C'est la bourgeoisie, dès le XIX (e) siècle, qui a instauré en dogme cette neutralité, qui a fait du scientifique un simple outil enregistreur mettant entre parenthèses le "juste" et l'"injuste" pour désamorcer ce qu'aurait de trop révolutionnaire une union étroite de la théorie et de la praxis » (10).

Une telle citation permet de replacer dans son contexte culturel la virulence de l'Internationale situationniste. Mais aujourd'hui, la question de l'objectivité demeure entière. Le travail sur ce groupe traduit immanquablement un changement de statut : de sujet de l'histoire, l'I.S. est devenu objet d'étude. Avec l'aide du temps, l'historien retrouverait une distance, ainsi que sa légitimité. Face au collectif qui aurait cherché à inquiéter sa position, il assumerait de nouveau le regard analytique du spécialiste dont l'objectivité est synonyme d'autorité. C'est au nom de celle-ci qu'il parlerait et proposerait un discours impersonnel, visant à expliquer les agissements du groupe. Il privilégierait alors les permanences afin de définir ce que l'I.S. a de commun avec le monde ancien que le groupe dénonçait pourtant de manière acharnée. « Si fortes qu'aient été les ruptures avec ce qui précédait, écrit par exemple Boris Donné, elles ne doivent plus masquer, à présent que ce moment s'éloigne dans le temps, certaines continuités et filiations secrètes » (11). Et il est vrai que l'Internationale situationniste offre des ressemblances avec d'autres artistes, penseurs ou mouvements des temps passés, que le principe de la tabula rasa propre aux avant-gardes ne peut estomper.

Il en est de même pour le présent comme l'I.S. avait fini par l'envisager. Abandonnant toute extériorité, Guy Debord et Gianfranco Sanguinetti écrivaient au moment de mettre un terme aux activités situationnistes : « Qui aide l'époque à découvrir ce qu'elle peut n'est pas plus abrité des tares du présent qu'innocent de ce qui pourra advenir de plus funeste. (…) Que l'on cesse de nous admirer comme si nous pouvions être supérieurs à notre temps ; et que l'époque se terrifie elle-même en s'admirant pour ce qu'elle est » (12). Ce jugement - empreint d'une forte âpreté - réagissait aux suiveurs de tous ordres qui étaient séduits par l'extrémisme du groupe. Les derniers situationnistes voulaient avertir que leurs thèses ne pouvaient être reprises littéralement comme un petit catéchisme révolutionnaire, prêt à l'emploi. En achevant eux-mêmes leur histoire, ils montraient également l'impossibilité d'excéder la période à laquelle ils avaient participée. L'I.S. était autant le produit de son époque qu'elle avait désiré produire cette époque. Elle faisait corps avec ce bloc d'espace-temps que représentait l'Europe des années 1950-1960. Plus tard, en 1978, dans son film intitulé In girum imus nocte et consumimur igni, Guy Debord réaffirma ce postulat hégélien : « Les avant-gardes n'ont qu'un temps ; et ce qui peut leur arriver de plus heureux, c'est, au plein sens du terme, d'avoir fait leur temps » (13). Dans cette perspective, la mise en évidence des continuités historiques se justifie chez l'historien dont le but serait de montrer ce que l'Internationale situationniste a partagé avec son époque.

Toutefois, la singularité de l'I.S. n'est pas non plus à minimiser. À cet égard, le régime de la ressemblance est souvent trompeur : si les similitudes sont à mentionner, il ne fait aucun doute que les discontinuités demeurent tout aussi opérantes pour rendre compte de la complexité d'une situation historique. Seule la volonté d'élaborer une description unitaire amène à réduire ces lignes de fracture. Pour préserver la vision globale de l'observateur, l'historien est parfois tenté d'écarter les antagonismes et de se faire l'agent de la réconciliation. À travers sa vocation à l'objectivité, il peut avoir pour horizon le consensus caractéristique de l'universalité. D'une certaine façon, l'I.S. n'a d'ailleurs pas rompu avec cette aspiration à l'universel : sa tentative d'intervenir exclusivement sur le plan d'une totalité théorique et pratique souligne que le groupe ne renonça jamais à cette histoire qui était considérée à la même époque par Adorno comme l'histoire de la catastrophe, et non celle du progrès : « Aucune histoire universelle ne conduit du sauvage à l'humanité civilisée, mais il y en a très probablement une qui conduit de la fronde à la bombe atomique » (14), notait avec pessimisme le philosophe.

C'est seulement dans ses derniers écrits que Guy Debord marqua son retrait par rapport à toute forme d'unanimité : « Toute ma vie, je n'ai vu que des temps troublés, d'extrêmes déchirements dans la société, et d'immenses destructions ; j'ai pris part à ces troubles. De telles circonstances suffiraient sans doute à empêcher le plus transparent de mes actes ou de mes raisonnements d'être jamais approuvé universellement » (15). Alors que le temps des situationnistes appartenait définitivement au passé, Debord ne déposa pas les armes pour demander un ultime consentement : il préféra assumer encore et toujours une résistance, sûr qu'il était de ne trouver autour de lui qu'une grande incompréhension, en comparaison au petit nombre de personnes qui avaient su partager avec lui ses ambitions. L'Histoire ne lui avait pas donné raison. Mais il pouvait aussi penser que les vicissitudes de la marche du monde permettaient de ne pas y voir pour autant des torts. Il s'agissait de continuer à se réapproprier son vécu car le danger demeurait d'en être dépossédé par les inévitables commentateurs. Ainsi citait-il une sentence de Jacques-Auguste de Thou, l'historien de la guerre des religions du XVI (e) siècle et grand maître de la bibliothèque du Roi, selon qui « il n'y a de véritables histoires que celles qui ont été écrites par des hommes qui ont été assez sincères pour parler véritablement d'eux-mêmes » (16). Une fois de plus, l'historien était disqualifié dans son rôle de juge porté par l'impartialité.

Dans ses Commentaires sur la société du spectacle, parus en 1988, Guy Debord avait déjà prouvé son extrême singularité en se faisant le narrateur au temps présent de ce phénomène historique qu'il avait inventé, le spectacle. Selon lui, ce fait n'avait pas encore été véritablement étudié : « (…) ces Commentaires, spécifiait-il, pourront servir à écrire un jour l'histoire du spectacle ; sans doute le plus important évènement qui se soit produit dans ce siècle ; et aussi celui que l'on s'est le moins aventuré à expliquer » (17). Pour la première fois, l'auteur envisageait une histoire qui ne soit pas son propre récit. Ce changement de perspective ne correspondait pas à un reniement de ses convictions mais plutôt à une adaptation aux vues de la situation contemporaine. En l'absence de nouveaux horizons révolutionnaires, le spectacle se donnait maintenant pour un présent homogène, dépourvu de la moindre ligne de fuite temporelle, ce qui faisait écrire à Debord  que « la première intention de la domination spectaculaire était de faire disparaître la connaissance historique en général ; et d'abord presque toutes les informations et tous les commentaires raisonnables sur le plus récent passé » (18). Si un tel diagnostic répondait très probablement aux commémorations du vingtième anniversaire de Mai 1968 qui proposait une version aseptisée des évènements (19), il reste que Debord observait de manière paradoxale l'abandon de l'objectivité.

La place de l'historien finit donc par devenir indécidable et la question demande d'être reposée : quelle est l'attitude à adopter face à l'Internationale situationniste ? Doit-il prendre en considération les éléments qui portent à la contradiction ou essayer de recouvrer la sérénité de la connaissance scientifique ? Doit-il s'inscrire dans la discorde ou reprendre la posture du savoir désintéressé ? À bien des égards, l'opposition dialectique entre l'engagement militant et la distance méthodologique ne fait que reprendre la confrontation frontale entre l'I.S. et la société du spectacle, là où il est nécessaire de sortir de cette alternative binaire. D'une part, le désir de comprendre la rage des situationnistes ne peut être immédiatement invalidé sous le sceau de la récupération par le système spectaculaire. Mais d'autre part, la rigueur de la recherche historique ne peut éluder l'impitoyable critique qui lui a été faite. Autrement dit, la dimension polémique de l'I.S. doit être pensée en tant que telle sans que cela détermine de façon dogmatique un rejet ou une adhésion. Par conséquent, étudier l'I.S. demande de présenter le lieu d'où l'on parle. Cette affirmation réflexive de l'espace occupé a pour but de ne pas s'extraire du jeu social et culturel et de ne pas effacer les enjeux du présent au profit de la reconstitution du passé. Elle tend à faire dialoguer ces deux entités temporelles afin de rendre saillante l'importance de l'acte interprétatif face aux circonstances évènementielles.

Car l'histoire ne saurait être réduite à une chronologie descriptive. Et si l'analyse qui va suivre ne s'en tient pas uniquement aux certitudes des faits et de la datation mais procède d'une attention toute particulière aux textes théoriques, cela ne signifie pas pour autant qu'elle ait à choisir de manière unilatérale entre un détachement objectif et une expression subjective. « Si l'on pouvait imaginer un état au-delà de la réconciliation, écrivait Adorno en 1963, on n'y verrait ni l'unité indifférenciée du sujet et de l'objet, ni son antithèse radicale : on n'y percevrait plutôt le jeu des différences » (20). Il faut ajouter qu'en deçà de la réconciliation, le travail des différences est également primordial. Dans ces conditions, faire l'histoire de l'Internationale situationniste induit de décentrer légèrement le point de vue et de se focaliser aussi sur d'autres pratiques et d'autres pensées qui ont eut cours à la même époque. En faisant intervenir ces rivalités, l'historien ne tend pas simplement à relativiser l'aventure situationniste. Il cherche également à éviter les pièges de la neutralité positiviste et de l'empathie idéaliste, ces deux faces de Janus qui se retrouvent à travers la revendication - souvent confortable - d'une extériorité.

Un seul exemple peut être donné à propos de cette position spécifique : en novembre 1985, Guy Debord revenait sur le Bulletin de l'Internationale lettriste et la critique de la création artistique qui y avait été formulée. « Le jugement de Potlatch concernant la fin de l'art moderne semblait, devant la pensée de 1954, très excessif, écrivait-il. On sait maintenant, par une expérience déjà longue - quoique, personne, ne pouvant avancer une autre explication du fait, on s'efforce parfois de le mettre en doute -, que depuis 1954 on n'a jamais plus vu paraître, où que ce soit, un seul artiste auquel on aurait pu reconnaître un véritable intérêt » (21). Il est indéniable qu'une telle assertion se voulait inacceptable en raison de son caractère péremptoire. Il serait pourtant possible de questionner la date indiquée et de se perdre en conjonctures historiques à propos de son choix. Mais avec ce jugement, Debord avait pour principale ambition de souligner le refus de tout compromis. Cette critique devait avoir la portée d'une vérité irréfutable, et non s'inscrire dans le champ des propositions à discuter. Elle montrait que l'Internationale situationniste était totalement inadmissible. L'arbitraire, voilà ce à quoi il fallait s'adonner pour un tel projet : « Nous sommes enfin au bord d'une conception purement Arbitraire de l'Histoire » (22) écrivait Debord vers 1954 à son ami Ivan Chtcheglov. Assurément, écrire sur l'Internationale situationniste ne va pas de soi. Et, dans le cas présent - pour l'historien de l'art que je suis -, écrire sur l'Internationale situationniste oblige même à écrire contre.


1 « Nos buts et nos méthodes dans le scandale de Strasbourg », Internationale situationniste, n° 11, octobre 1967, p. 30. Repris dans Internationale situationniste, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1997, p. 526. L'article a également été édité dans les documents accompagnant l'ouvrage collectif Enragés et Situationnistes dans le mouvement des occupations, Paris, Gallimard, 1968, p. 250.
2 Guy-Ernest Debord, « Perspectives de modifications conscientes dans la vie quotidienne », Internationale situationniste, n° 6, août 1961, p. 22. Repris dans Internationale situationniste, op.cit. p. 220.
3 Karl Marx, Manuscrits de 1844, Paris, Éditions Flammarion, 1996, p. 153.
4 Alexander Trocchi, « Technique du coup du monde », Internationale situationniste, n° 8, janvier 1963, p. 48. Repris dans Internationale situationniste, op. cit., p. 344.
5 Je souligne. Henri Lefebvre, Critique de la vie quotidienne II. Fondements d'une sociologie de la quotidienneté, Paris, L'Arche Éditeur, 1961, p. 9.
6 Je souligne. Enragés et Situationnistes dans le mouvement des occupations, op. cit., p. 274.
7 Hannah Arendt, « L'action », Condition de l'homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983 (1961), p. 250-251.
8 « Communiqué de l'I.S. à propos de Vaneigem », La véritable scission dans l'Internationale, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1998, p. 161.
9 Guy Debord, La société du spectacle, Paris, Éditions Gallimard, 1992 (Buchet-Chastel, 1967), p. 195.
10 Jean-Louis Brau, Cours camarade le vieux monde est derrière toi ! Histoire du mouvement révolutionnaire en France et en Europe, Paris, Éditions Albin Michel, 1968, p. 49.
11 Boris Donné, « Debord et le sublime, ou le retour de Guy l'Éclair », Figures de la négation. Avant-gardes du dépassement de l'art, Paris/Saint-Etienne/New York, Paris-Musées/Musée d'Art Moderne/Art-of-this-century/ LimitesLTD. Éditions., p. 13.
12 Guy Debord, Gianfranco Sanguinetti, « Thèses sur l'Internationale situationniste et son temps », La véritable scission de l'Internationale, op. cit., p. 81.
13 Guy Debord, « In girum imus nocte et consumimur igni », Œuvres cinématographiques complètes. 1952-1978, Paris, Éditions Gallimard, 1994 (Éditions Champ Libre, 1978), p. 266.
14 Theodor W. Adorno, Dialectique négative, Paris, Éditions Payot, 1978, p. 250.
15 Je souligne. Guy Debord, Panégyrique. Tome Premier, Paris, Éditions Gallimard, 1993, (Éditions Gérard Lebovici, 1989), p. 11-12.
16 Ibid., p. 17-18. Toute distance pour Debord impliquait une indéniable déformation, comme il le souligna dès 1961 dans son film Critique de la séparation : « Faux rapport. Un personnage réel est séparé de qui l'interprète, ne serait-ce que par le temps passé entre l'évènement et son évocation, par une distance qui grandira toujours, qui grandit encore ». Œuvres cinématographiques complètes (1952-1978), op. cit., p. 54. 
17 Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle (1988) suivi de Préface à la quatrième édition italienne de La société du spectacle (1979), Paris, Éditions Gallimard, 1992 (Éditions Gérard Lebovici, 1988), p. 99.  
18 Ibid., p. 28.
19 Je renvoie au récent travail de Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures, Paris, Éditions Complexes, 2005.
20 Theodor W. Adorno, Modèles critiques. Interventions - Répliques, Paris, Éditions Payot & Rivages, 2003 (1984), p. 303.
21 Guy Debord présente Potlatch (1954-1957), Paris, Éditions Gallimard, 1996 (Éditions Gérard Lebovici, 1985), p. 9.
22 Et il ajoute : « Je plaisante à peine. Après la géographie, l'Histoire devient un art ». Le marquis de Sade a des yeux de fille, de beaux yeux pour faire sauter les ponts, Paris, Librairie Arthème Fayard, 2004, p. 134.
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