les presses du réel

The Drawer n° 17 – Rose

extrait
Edito
Think pink

Le rose est la plus ancienne couleur biologique au monde. En 2018, des chercheurs australiens en ont découvert des pigments vieux de 1,1 milliard d'années dans des fossiles situés sous le désert mauritanien. C'est aussi la couleur la plus organique. Celle qui renvoie le plus directement à la chair, au corps, au cœur. Le rose est la couleur du vivant.
Rose est un prénom. Avec deux « r », c'est celui qu'a donné Marcel Duchamp à son double féminin, Sélavy.
La rose est une fleur. Peut-être l'une des plus représentées en peinture ou en dessin. Still life.
Le rose est pluriel, et c'est ce qui fait son intérêt. Il est in et il est out, contemporain et désuet, écœurant à souhait. Largement utilisé par Pablo Picasso et Philip Guston en leur temps. Définitivement arty et queer. Érotique, poétique et politique à la fois. C'est la couleur la plus désirable du moment.
On en aime toutes les nuances. Le rose fuchsia qui vire au rouge carmin dans les scènes débridées de Lucile Littot. Les roses naturels d'Adrien Vescovi, ses « jus de paysages » comme il les appelle, produits à partir d'ocres de Bourgogne, du Roussillon et du Vaucluse. Le rose chair du body de Jean Labiche dans le dernier film de Brice Dellsperger, Body Double 36 ; le rose fluo qui souligne le corps de François Chaignaud dans la vidéo précédente de l'artiste, Body Double 35.
Le rose corail, déclaré « couleur de l'année 2019 » par le Pantone Color Institute. Le rose translucide des sculptures en silicone de Chloé Royer. Le rose cochon des dessins de Matthias Garcia. Le rose du stylo-bille d'Anne Bourse et celui du papier de Butt, le magazine homo culte des années 2000, à qui la jeune artiste dédie ses pages dans The Drawer. Toutes les roses et tous les roses de Sabine Moritz, Daisy Parris et Louise Bonnet, en couverture de ce volume.
Rose oblige, la question du sexe et du genre traverse évidemment ce numéro, presque totalement paritaire. Autant de femmes que d'hommes et un certain nombre d'artistes adeptes du travestissement et des identités mouvantes sont là : le réalisateur et dessinateur moins connu Brice Dellsperger, le performeur et plasticien Mike Bourscheid, l'artiste-curateur Jakob Lena Knebl. Le rose est autant féminin que masculin, transgenre et plus encore. « Rose is a rose is a rose is a rose » vraiment ? Ce qui est sûr, c'est que le rose rassemble. Ici, des artistes qui jouent avec les limites et les codes du dessin et de l'ordre établi, proposant une alternative, un entre-deux au croisement des genres et des sens qui étonne et détonne juste. Libres et audacieux. Le rose, un état d'esprit.
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