les presses du réel

Vito Hannibal Acconci Studio (+ DVD)

extrait
« Si l'art est le signe (ou la couverture) de celui qui le réalise, je peux alors me concentrer sur « l'instrument » de préférence au « contexte ». Je peux alors me déplacer dans un contexte en tant qu'instrument en cherchant à correspondre, en m'adaptant, à une situation extérieure (mais, dès lors que je deviens spectateur et fixe mon attention sur un monde extérieur, je deviens passif, vu à distance...).
Si l'oeuvre d'art est comprise comme une cible pour les spectateurs qui en font l'expérience lorsqu'ils entrent dans un espace d'exposition, et en tant qu'ils la visent, il m'est alors possible de faire de l'art par avance, d'user de moi comme cible, laissant l'activité de faire cible accessible aux spectateurs (mais dès lors que je fixe mon attention sur moi-même, je me referme complètement en moi, je ne me présente plus en tant que « personne » mais en tant qu'« objet »...).
Si l'art est la présentation du moi qui se cache derrière et si un moi ne se personnalise qu'à interagir avec un autre, alors je peux faire intervenir un nouveau facteur : nous nous déplaçons les uns vers les autres, nous nous faisons fonctionner au sein d'un tout, devant les spectateurs (mais, dès lors que nous nous concentrons au point de fixer notre attention exclusivement les uns sur les autres, nous construisons un mur autour de nous qui en vient à exclure tout autre spectateur...).
Si un lieu d'art est un lieu pour les spectateurs et si l'art est un don que l'artiste leur fait, je peux alors faire se rejoindre mon espace et le leur, je peux rencontrer en face un spectateur (mais, dès lors que je suis là en personne, je présente une personnalité sur laquelle les spectateurs et moi-même devons fixer notre attention, nous formons un espace intime qui échappe au monde extérieur de la causalité...).
Si l'art forme un espace architectural, un prototype d'espace, je peux alors soustraire ma présence et laisser de la place aux spectateurs : les spectateurs deviennent performers, les spectateurs prennent ma place (mais, dès lors que l'espace est une projection de moi-même, les spectateurs n'ont plus d'espace propre, ils peuplent un no-man's land, tandis que, sous leurs yeux, je pars à la dérive dans un espace qui n'est ni le leur ni le mien...).
Si l'art peut faire son apparition en différentes localisations géographiques, une oeuvre peut alors dériver du lieu de sa réalisation ; si un lieu physique fait partie d'un espace culturel, alors les spectateurs viennent en un lieu d'art avec de l'histoire, celle des actualités ; si je fais de l'art d'un lieu à un autre, alors j'emporte mon lieu propre avec moi où que j'aille ; si un lieu d'art est un espace public, alors une réunion publique peut y être tenue. »
Vito Acconci, Headlines and Images. Amsterdam : Stedelijk Museum, 1978.


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