les presses du réel

Palais n° 18

extrait
Edito
Yes we care!
Jean de Loisy
(p. 18)


L'art nous engage. La rencontre avec l'artiste, l'altitude à laquelle il situe sa recherche, son exigence, sa détermination, l'invention de signes nouveaux qui élargissent notre compréhension, sa parole et l'intensité convaincante de sa démarche conduisent ceux qui le rencontrent à témoigner de l'importance, pour nous tous, de cette création qui mène vers ce qu'auparavant nous ne devinions pas. Le curateur, celui qui prend soin de l'oeuvre, nous transmet l'importance qu'a eue pour lui cette rencontre. Pour nous en convaincre, avant même l'expression critique parfois, son premier langage est l'exposition. Concevoir, articuler, organiser le visible, mettre les œuvres en relation avec d'autres, les associer à des objets ou à celles d'autres artistes, bref, écrire l'exposition jusqu'à ce qu'elle lui paraisse rendre justice à son admiration. Cet exercice magnifique n'est pas nouveau ; ce qui l'est peut-être, c'est l'évolution de ce langage et le changement de l'attitude. Si toujours les artistes eurent auprès d'eux des théoriciens ou des écrivains engagés, de Félix Fénéon à Pierre Restany par exemple, longtemps ce furent les marchands, les musées ou les institutions qui eurent ce rôle. Aujourd'hui, ce travail d'une autre nature – celui qu'entreprirent Harald Szeemann, Hans Ulrich Obrist et quelques autres, plus libres, plus créatifs qu'aucune institution ne put l'être – a suscité la multiplication de ce personnage caractéristique qu'on appelle en français curateur, dénomination confuse d'un acteur plus indépendant, plus subjectif que les curators ou commissaires d'exposition du passé. Il ne s'agit pas pour lui de rendre compte de l'inscription d'une œuvre dans une histoire légitime, mais au contraire de l'aimer parce qu'elle déborde toute histoire. Le Palais de Tokyo et le magazine Palais, avec la complicité du Comité professionnel des galeries d'art et de la revue The Exhibitionist, accompagnés par des complices (1) qui nous ont aidés à choisir parmi plus de cinq cents projets internationaux, entraînent sur ce sujet une trentaine de galeries et lieux d'art à Paris pour donner une visibilité inédite à ce phénomène : l'apparition de nouveaux compagnons des artistes qui ont choisi l'exposition comme médium pour les acclamer.


1 Le jury est composé de Hans Ulrich Obrist (codirecteur, Serpentine Gallery, Londres), Massimiliano Gioni (directeur associé et curateur, New Museum, New York), Jens Hoffmann (directeur adjoint, Jewish Museum, New York), Jean-Hubert Martin (commissaire d'exposition indépendant), Xavier Franceschi (directeur, FRAC Île-de-France, Paris), Colette Barbier (directrice, Fondation d'entreprise Ricard, Paris), Fabienne Leclerc (Comité professionnel des galeries d'art), Alain Reinaudo (Institut français), Jean de Loisy (président du Palais de Tokyo) et les curateurs du Palais de Tokyo : Daria de Beauvais, Marc Bembekoff, Julien Fronsacq, Katell Jaffrès, Rebecca Lamarche-Vadel, Mouna Mekouar et Akiko Miki.


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