les presses du réel

Palais n° 16

extrait
Edito
Jean de Loisy
Président du Palais de Tokyo
(p. 16)


« J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides ». J'ai souvent relu ces vers, cette dérive insensée du bateau ivre, voyant dans ce voyage du poète le parcours même de l'artiste embarqué dans l'aventure exigeante de sa création. Qui n'a souhaité accompagner cette navigation et approcher au plus près de l'œuvre en train de se faire, assister aux moments de cette recherche qui entraîne l'auteur et le regardeur dans des navigations hauturières périlleuses, vers des formes et des idées encore informulées ? Comment ne pas se vouloir passager, même clandestin, de cette recherche qui fait écrire à celui qui la mène : « J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles / Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur » ?
L'amateur qui a choisi d'exercer sa passion pour la création contemporaine est nécessairement entraîné au plus près de ces langages en train de s'inventer et, donc, prêt à aborder ces territoires qui échappent encore à la cartographie. La progression de l'explorateur peut être difficile et parfois, comme l'écrit Rimbaud, « Les Aubes sont navrantes », mais la traversée, elle, est exaltante et c'est celle-ci que cette saison dédiée aux « dérives de l'imaginaire » veut nous proposer. Assister au cheminement de la pensée de l'artiste, témoigner des circonstances de l'invention, deviner cet intervalle entre l'idée et sa réalisation, voir l'artiste s'habituer à ses propres découvertes, à ce « je ne sais quoi qui s'atteint d'aventure », et en tirer les conséquences.
Au plus près donc de la création, au plus près des créateurs, et avec eux, cette édition du magazine PALAIS développe, approfondit le programme des expositions consacré à cette mise en scène par les artistes eux-mêmes du sillage de leur pensée. Des grandes figures comme Fabrice Hyber, des découvertes faites par notre équipe comme l'extraordinaire Damir Očko, un aventurier audacieux des nouvelles formes comme Neïl Beloufa, une analyse visuelle par Boris Groys du travail photographique d'Alexandre Kojève, la « bibliothèque d'artiste » de Ryan Gander et les œuvres de Helen Marten ou de Markus Schinwald produites pour le Palais de Tokyo, ou encore les artistes internationaux réunis par Julien Fronsacq dans l'exposition « Les Dérives de l'imaginaire », ce sont ces navigateurs audacieux dont on entend les paroles dans ce numéro, celles même qui résonnent maintenant sous les plafonds, les coupoles, auprès des colonnes de ce Palais devenu immense et qui accueille, depuis dix ans, les expériences les plus vives, les plus libres, les plus excitantes de la création contemporaine.
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