les presses du réel

Serendipity

extrait
Préface
Dirk Snauwaert
(p. 7-8)


À l'origine de cette publication se trouve l'exposition personnelle d'Ann Veronica Janssens au WIELS, intitulée Serendipity, qui se construisit autour d'un ensemble d'œuvres esquissant la recherche artistique des dernières décennies, ainsi que de projets récents ou encore en phase de laboratoire. Comme c'est souvent le cas chez Ann Veronica Janssens, l'œuvre s'évapore ou disparaît matériellement quasiment entièrement après sa présentation, et seules les expériences, la mémoire de celle-ci et sa documentation subsisteront pour reconstruire ou reconfigurer les chapitres qui ponctuent le parcours précis et conséquent que trace Ann Veronica Janssens par son œuvre depuis maintenant une trentaine d'années.
Cet ouvrage tente dès lors de rendre compte de ce phénomène, à partir de la documentation photographique du contexte spatial de l'exposition Serendipity dans les prémisses particulières du WIELS. L'architecture, le tracé de l'exposition et un ensemble d'installations ont été construits par l'artiste, en étroit dialogue avec Charles Gohy, curateur de cette exposition, qui avait fait accompagner la visite de notices rédigées pour chacune des œuvres exposées, et que l'on retrouve ici aux cotés de leur documentation photographique.
Pour commenter cette exposition d'aperçu, c'est tout naturellement qu'une invitation fut lancée à l'une des principales critiques de l'artiste, afin qu'un nouveau chapitre s'écrive et que la nouvelle proposition de l'exposition soit mise en perspective avec celles qui la précédaient, et dont certaines furent également l'objet de commentaires ou d'essais critiques de la même main de Mieke Bal. Le présent texte a été rédigé à partir de celui qu'elle prononça lors de sa conférence au cours de l'exposition Serendipity. Ce fut ainsi l'articulation et l'élargissement de ses thèses autour des concepts, des réalisations et leurs implications de Janssens, autant que leur évolution depuis 1999. La particularité fait qu'elle fut en effet invitée en 1999 à publier un premier texte « Light in Life's Lab », paru dans le livre-catalogue Ann Veronica Janssens: Une image différente dans chaque œil / A Different Image in Each Eye sorti à l'occassion de la double présentation Horror Vacui dans le pavillon belge à la Biennale de Venise. Présentation qui fut à l'origine d'une visibilité internationale du travail de Janssens. Ce premier engagement fut suivi d'une invitation à publier son texte en allemand, pour la publication Lichtspiel, parue dans le contexte des expositions au Kunstverein Munich et pour la DAAD à la Neue Nationalgalerie Berlin en 2001, qui marquaient nouvelles réflexions sur ce travail. Ainsi le texte « Serendipity : Le miracle d'être où l'on est » constitue sa plus récente réflexion autour du travail de Janssens. La qualité remarquable de cet écrit et la vision particulière de l'auteur qui permettent des interprétations autres et l'élargissement des perspectives, au-delà d'une situation dans l'histoire ou dans une actualité de l'art contemporain, ne peuvent être suffisamment soulignées.
Ann Veronica Janssens occupe une place particulière dans l'art des dernières décennies, résultant de ses recherches importantes autour de phénomènes lumineux ou auditifs, et sur les manifestations multiples de leur matérialisation, évitant tout symbolisme ou emphase, et ceci en prenant souvent le risque d'installer le spectateur dans des situations de perte, de détachement, associées à la distance critique, position sévère et éternellement associée à celle d'un modernisme formalisant, construit et rationnel. Dans son travail, on oscille souvent entre des sensations conceptualisantes, pensives et celles où l'on essaie d'apprendre ce qui arrive aux sens et au corps lors d'un effet d'immersion, de perte de soi, de sensation pure, sans aucune distance ; effet qui résulte d'une compréhension de la pensée face au monde et à ses manifestations.
Ainsi, elle ne fait rien d'autre que poursuivre la route dessinée par des avant-gardistes radicaux et rigoureux, tout comme un Laszlo Moholy-Nagy, qui dans les années '30 posait que l'artiste du futur devrait d'abord être un ingénieur, qui dirigerait ses expérimentations et projets à partir de transmissions d'ondes radiophoniques, immatérielles, et transposerait ses desseins avec les toutes dernières technologies de son époque, plutôt que d'imaginer des réflexions et arranger le symbolique et les goûts. C'est dans cette lignée qu'il faut voir la continuation des expérimentations d'Ann Veronica Janssens avec des technologies et matériaux expérimentaux, sophistiqués, avec lesquels elle cherche surtout à donner forme à des expériences et sensations inconnues jusqu'au moment d'en avoir fait l'expérience, hors du symbolique en vigueur, celles qu'on ne trouve que dans des phénomènes dont s'occupe la science et dont on trouve des dérivés dans les technologies qui en forment l'application pratique. Avec ses applications pratiques, maniables, Janssens amène à nouveau une sphère de réflexion et y introduit des potentialités autres qu'utilitaires et pragmatiques, faisant découvrir un côté spirituel. Cet ouvrage constitue à la fois un témoin et un nouveau repère de son trajet.
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