les presses du réel

Panorama 13Encours

extrait
En transit
(p. 3)


Ma première impression du Fresnoy a été celle d'un territoire offshore, une plate-forme expérimentale située aux confins de la France et de la Belgique, entre friche industrielle, canal et bretelle d'autoroute. Faire une exposition au Fresnoy, ce n'est pas faire une exposition n'importe où. C'est nécessairement tenir compte de cette position géographique et historique singulière, un espace disponible et ouvert, traversé par les courants et les flux du monde d'aujourd'hui : flux de populations, flux économiques, flux d'images.
Il s'agissait de trouver une forme pour cette exposition qui rende hommage à cette singularité. Ouvrir l'espace de la « Grande Nef » à la lumière aura été le premier geste envisagé, avec la complicité de Jacky Lautem. Faire de ce lieu non pas un écrin confiné, mais un espace ouvert qui ne ressemble pas à un lieu explicite d'exposition (avec ses cimaises, son système d'éclairage dirigé), mais plutôt à un espace de transit (proche du chantier ou du port) avec des structures / containers autonomes permettant une isolation visuelle et sonore maximale. Un espace disponible donc, disponible pour les œuvres que celles-ci nécessitent l'obscurité, que celles-ci nécessitent la lumière. Une exposition en transit : la plupart des œuvres ont été conçues et produites hors du contexte de leur exposition. L'exposition souligne cette exterritorialité de l'œuvre, déracinée de son contexte de production, orpheline, vivant une vie autonome, vouée au nomadisme et à l'impermanence. Georg Simmel évoque l'« exterritorialité de l'aventure » : « Ce qui caractérise l'aventure c'est d'abord sa séparation, discontinuité, avec le reste de la vie. C'est notamment le fait qu'elle n'est pas rattachée au passé et qu'elle n'a pas de lien avec l'avenir. En cela c'est une forme close semblable à une œuvre d'art ».
Faire une exposition au Fresnoy ce n'est pas faire une exposition avec n'importe qui. Les « promotions » Pina Bausch et Michael Snow présentées pour Panorama 13 ne sont pas des agglomérats abstraits d'individus, ayant l'école comme seule ligne d'horizon. Panorama 13 est la mise en perspective de 50 propositions, de 52 singularités (artistes invités et étudiants artistes étant considérés sur un même pied d'égalité). Rien ne semble relier ces propositions, hormis le fait précisément qu'elles ont toutes transité par le Studio national des arts contemporains du Fresnoy. Panorama 13 se devait d'être le lieu d'accueil, collectif et provisoire, de chacune de ces aventures.
Bernard Marcadé

Encours n'est pas le catalogue de l'exposition ; il en constitue plutôt le magazine*. Toutes les contributions présentées ici ne documentent pas des œuvres qui n'existent que dans le temps et l'espace de leur monstration. Elles ont été spécifiquement conçues pour cette publication, avec la complicité éclairée de Yann Rondeau.


* Ce mot transporte en lui des intensités migrantes, bien en écho avec le contexte de cette exposition en transit. Il provient de l'anglais magazine, venant du français magasin, via le latin médiéval magazenum, l'italien magazzino, le castillan algamacen, eux-mêmes issus de l'arabe makhâzin (pluriel de makhzin) qui signifie entrepôt.


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