les presses du réel

Catalogue

extrait
Catalogue – Mode d'emploi
(p. 161-162)


Ce livre offre une traversée oblique dans l'œuvre protéiforme de l'artiste autrichien Heimo Zobernig depuis ses premiers travaux de la fin des années1970 jusqu'à l'exposition qui s'est tenue au CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux en 2009.

En écho au dispositif de mise en scène conçu par Zobernig pour la nef du musée, cet ouvrage rassemble une sélection de projets opérée par l'artiste autour des notions de théâtralité et de display. Des premiers essais en scénographie, à la réflexion sur les conditions d'apparition de l'œuvre à travers ses énoncés les plus minimaux (le socle, la toile, l'écran, l'espace d'exposition…), des dispositifs relationnels et scéniques (espaces de rencontres, de conférences, de performances…) au questionnement sur les technologies de représentation ( la vidéo « handycam », les effets spéciaux…), jusqu'à l'usage de rideaux dans ses derniers travaux, l'œuvre de Zobernig n'a eu de cesse d'interroger les mécanismes de monstration et de perception.

Cet ouvrage offre de plus une réflexion inédite sur la mise en page d'un travail artistique.
Depuis trente ans, les éditions constituent un pan essentiel de la pratique de l'artiste. Au même titre que les espaces d'exposition, Zobernig conçoit le support imprimé comme un lieu de questionnement. Dans les deux cas, il s'agit d'interroger les normes de production et les conventions de représentation à travers un système de déplacements et de décalages, non dénués d'ironie, comme en témoignent ces coquilles et ces erreurs laissées sur les couvertures des livres, ou le caractère souvent bricolé des sculptures et des vidéos, qui induisent un effet de distanciation réflexive.

L'artiste, qui a lui-même conçu plus de soixante livres (tous exposés pour la première fois au CAPC) a choisi de confier intégralement le design de cet ouvrage aux graphistes Experimental Jetset (Marieke Stolk, Danny van den Dungen, Erwin Brinkers). Leur mission fut d'interagir avec la pratique éditoriale de l'artiste : on retrouve en effet le dispositif d'agencement strict qui rappelle le minimalisme de ses installations et sculptures, avec l'usage du format standard A4 et de la police de caractère conventionnelle Helvetica. Les listes de mots reprennent le principe de classification entrepris par l'artiste dans nombre des ses publications. Composées à partir de l'acronyme « CAPC », les listes de mots sont empruntées par les graphistes au Lexikon der Kunst 1992 conçu par Zobernig en collaboration avec Ferdinand Schmatz – un abécédaire de mots utilisés dans le champ de l'art.

Si les œuvres sont présentées ici par ordre chronologique, elles subissent néanmoins un traitement visuel bien spécifique. En écho au livre Farbenlehre (1994) où l'artiste, toujours secondé par Ferdinand Schmatz, compila toutes les théories des couleurs depuis l'Antiquité jusqu'au XXe siècle, les designers ont conçu un séquençage chromatique (noir & blanc/monochromie/quadrichromie) qui évolue en suivant l'ordonnance des cahiers de huit pages qui forment la matrice traditionnelle des ouvrages imprimés. La nature évolutive et cyclique de la chronologie est de plus renforcée par la décision de « faire flotter » les images, d'une page à l'autre, quitte à les sectionner. Le rythme et le séquençage induisent un effet cinématique, sorte d'émanation visuelle et philologique de la chronologie. Classés par ordre chronologique eux aussi, les textes ont été choisis par Heimo Zobernig avec Catherine Chevalier, critique d'art, et moi-même, en associant des textes « historiques » jusqu'ici disponibles en langue allemande ou anglaise (Helmut Draxler, Klemens Gruber, Monika Meister, Juliane Rebentisch, Peter Weibel, Heimo Zobernig) à de nouveaux textes spécifiquement écrits sur les problématiques de théâtralité et de display (Yann Chateigné Tytelman, Catherine Chevalier, Moritz Küng, Diletta Mansella).

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Charlotte Laubard,
directrice du CAPC musée d'art contemporain


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