les presses du réel

Ecrits et paroles

extrait
Préface – Danielle Cohen-Levinas

Publier les écrits d'un compositeur tel que Morton Feldman relève d'une gageure à laquelle nous avons résisté avec bonheur et enthousiasme. Figure à la fois insolite et singulière de la création musicale contemporaine, il nous a semblé nécessaire de publier des textes qui représentent, non seulement un lieu de confrontations entre notamment la musique et les arts plastiques, mais aussi une forme de soliloque dans laquelle on perçoit des préoccupations que plusieurs générations d'artistes ont partagées. Compositeur marginal ? D'aucuns ont en effet appréhendé l'œuvre et la personnalité de Morton Feldman comme essentiellement marquées par une originalité qui ne pouvait en aucune manière faire école. Or, et c'est bien là la pertinence de ces écrits, Morton Feldman fut de ceux qui ont fustigé les querelles épigonales et défendu, non pas des principes d'originalité au nom d'une liberté créatrice, mais des principes axés sur des nécessités individuelles, pouvant le cas échéant entrer en résonance avec notre monde environnant. Aussi, cette figure solitaire et paradigmatique aura-t-elle, peut-être même à son insu, répandu autour d'elle non pas une méthode de composition, ou un comportement théorique, encore moins des règles esthétiques, mais ce que l'on pourrait appeler une éthique personnelle : la conviction que dans les arts en général, et dans la musique en particulier, chaque projet, chaque initiative est à creuser, à condition de mettre en œuvre une exigence sans compromis idéologique.


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