les presses du réel

Ambitions d'art30 ans du Nouveau Musée / Institut d'art contemporain (coffret)

extrait
Avant-propos – Nathalie Ergino


Plus qu'une célébration des trente années passées, Ambition d'art constitue un bilan, un bilan actif, que l'on pourrait qualifier de « rétro-perspectif ».
C'est en effet parce que la genèse de l'Institut d'art contemporain est atypique que la situation qui est la mienne aujourd'hui l'est également. Succéder à un fondateur tel que Jean Louis Maubant, ce depuis 2006, et participer, en véritable connivence, à la mise en oeuvre de son propre bilan, représente à mes yeux un moment d'exception dans l'histoire des structures de l'art contemporain en France. Il s'agit plus ici d'un héritage en transmission que d'une simple succession, dans la rupture ou la continuité.
Ainsi, observatrice assidue de l'Institut depuis de nombreuses années, j'ai pu mesurer et apprécier ce qui le caractérise, tant par rapport aux autres structures pionnières comme le Capc à Bordeaux ou le Consortium à Dijon, qu'avec celles qui suivront comme le CCC à Tours ou Le Magasin à Grenoble.

Si l'art, l'artiste est bien au centre du dispositif initial de l'Institut, c'est dans une relation active à l'autre, à la société. Or c'est précisément avec l'aide de « personnes privées, bénévoles et très engagées » que Jean Louis Maubant va développer pendant ces trente années, une aventure exigeante et indépendante.
Mixant les contributions privées et publiques, l'outil Nouveau Musée-Institut est avant tout au service la création et de la recherche, avec pour but d'accompagner cet « homme-artiste » et sa « capacité de lucidité sur lui-même et la société, sa volonté d'aller au delà du commun, sa prémonition, sa capacité critique, sa volonté de parler à l'autre, par l'émotion autant que par le discours rationnel ». C'est pourquoi Jean Louis Maubant donne sa préférence aux expositions personnelles, qui lui permettent de mieux « pénétrer dans une oeuvre, dans une pensée toujours complexe ». C'est dans ce même souci d'approfondissement et de pédagogie qu'il instaure, autour de l'artiste, une panoplie d'outils didactiques : documentation, archives, publications, rencontres, échanges. Et c'est dans la quête d'une « résistance de l'Institut au spectacle de l'art » qu'il ré-invite certains artistes à des moments-clés de leurs parcours, pour affirmer la nécessité en art des notions de temps, d'étude et d'engagement, sans lesquelles aucune position critique n'est possible.

Aujourd'hui, quel est le rôle et la pertinence d'un Institut d'art contemporain face à la création actuelle et ses fonctionnements ? C'est à la suite d'un parcours qui m'a conduite successivement à la direction d'un Frac en Champagne-Ardenne, puis à celle d'un Musée d'art contemporain à Marseille, que je suis amenée à considérer les principes qui ont régi cette structure, comme non seulement encore valides, mais comme plus que jamais nécessaires. De plus, l'acte de transmission de cette mémoire est à considérer ici comme un socle de travail indispensable à l'élaboration d'un futur, particulièrement dans un monde en pleine mutation campé dans son éternel présent.

Cependant, les « croyances » ont changé, nous imposant d'associer à toute entreprise d'approfondissement des stratégies d'extrême mobilité. Car, si les artistes ressentent le besoin de « mise à plat », c'est moins pour parvenir à un bilan que pour se procurer une « pause » à travers l'exercice de l'exposition comme forme artistique à part entière.Si le public sollicite une pédagogie, c'est au delà d'une attitude consumériste, pour s'intégrer à un groupe comme acteur potentiel…
La démultiplication des données et leur mondialisation (artistes, musées, collectionneurs…) impose une acuité et une vigilance d'autant plus grandes si l'on veut préserver la place centrale et matricielle de la création. Comment maintenir le cap artistique face aux débordements du marché de l'art et aux emprises de l'audimat sur les musées ?
Toutefois cette démultiplication ne génère pas que du vide. Car si ce trop plein confère le vertige, il suscite également l'excitation, la curiosité, l'espoir de la découverte.
Comment, sans position de repli, contribuer à son temps avec exigence et mobilité d'esprit ? Si l'art devient une industrie, cela ne lui ôte pas obligatoirement ses qualités dans la mesure où les artistes restent maîtres du jeu. Or cet exercice est devenu aujourd'hui un défi permanent. Tant pis pour les artistes qui renoncent à la quête de cette liberté. Après tout, le cinéma, la musique, la littérature sont le fruit depuis longtemps déjà d'approches aux intentions différentes à l'attention de publics diversifiés.
C'est pourquoi l'on peut se plaire à rêver que les structures de création et de diffusion telles que l'Institut d'art contemporain, puissent accompagner les artistes le plus loin possible dans la préservation leur liberté d'être et de créer. Celle sans qui dimension critique ou subversive de l'oeuvre, impact de l'inattendu et singularité ne seraient pas possibles. A la fois, prospectif et archiviste, expérimental et théorique, l'Institut d'art contemporain pourrait être ce « nouveau laboratoire du temps » qu'évoque Jean-Louis Froment dans ce livre, en résumé un Institut.


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