les presses du réel

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Introduction

« Mianutes Parpillon [ ... ] je suis décadenassé »,
Camille Bryen, inventeur de la poésie naturelle

En 1962, Jacques Audiberti, menhir inconnu, m'apparaissait brusquement par sa pièce La Fourmi dans le corps et je décidais, attiré par cette langue verte, de m'engouffrer dans l'exploration de ce chantier langagier surprenant ; c'est ainsi que je rencontrais, un jour de 1964, le dialogue abhumain de L'Ouvre-boîte, colloque abhumaniste, sténographié, car en 1951 l'entretien magnétophonique n'existait pas encore – et c'est grand dommage que de ne pas avoir les joutes orales et leurs crépitements rieurs de ces deux « oraliens » si énergumènes, aux frontières de l'autre monde qu'ils pressentaient, ce monde désenclavé où la poésie est n'importe où et n'importe quoi.
Audiberti me révèle un champ qui ne cessera de s'ouvrir car il m'introduit alors non seulement à l'espace « dessinatoire » et verbal de Bryen « poileur de pierres », comme le nomma son ami antibois, mais aussi à l'immense terre insolite de la « poésie de mots inconnus », sous la forme d'une anthologie du poète russe Iliazd qui, sans doute par l'intermédiaire de Bryen, avait publié un poème phonétique d'Audiberti (1). Par Audiberti, Bryen, Iliazd, la « carte secrète » des innovateurs se dessinait peu à peu en ricochets, rebonds, coïncidences, croisements ; et, par des chemins de traverse explorés systématiquement, je découvrais un immense territoire que Robert Filliou nomma Eternal Network et dont nous poursuivons non seulement l'investigation mais l'augmentation, car plus on cherche à le baliser, à le délimiter, plus il s'obscurcit, dévoilant des sentiers méconnus et des signes inconnaissables.
Bryen me décapsula la boîte à dada dont il fut le relais discret à Paris, depuis les années trente, grâce à ses amitiés avec Francis Picabia, Jean Arp et Marcel Duchamp, par ses publications et ses actions de dispersion (2). Lisons Arpoétique et Saint Picabia. Mais trêve (simulée) de divagations et de digressions, tentons de cerner ce qu'il nomma en 1945 la « poésie naturelle » ou, selon le vocable audibertien, la poésie abhumaine. Un texte de 1944, paru à Lyon, La Poésie partout, donne le ton : « La poésie se doit, de plus en plus, de se mêler à la vie. La radio, le cinéma, le disque ont déjà montré qu'elle s'est échappée de la forme conformiste du livre (3). »
Le livre, inventé par l'humanisme, n'est plus le lieu exclusif ; d'autres relais sont possibles et l'énergie de la poésie n'est pas réductible au seul langage institué : Arthur Rimbaud déjà avait annoncé l'existence de charges poétiques dans les vieilles réclames, les bruits, les cris de la rue, les vieux airs, hors la rhétorique académique ; Bryen poursuit et récidive : « Le processus de conscience peut être continué en vivant les tendances au nonhumanisme qui se font de plus en plus claires à travers les mystiques, la poésie et la peinture d'aujourd'hui [...] Le temps est troué parce qu'intérieur et extérieur, humain et non humain, poète et poème se confondent. Il faut crever la peau de la poésie (4). » L'Anthologie de la poésie naturelle (5) qu'il compose avec Alain Gheerbrant, en 1949, sera le premier manifeste d'une généralisation de la poésie à l'ensemble des expressions langagières et extralangagières (signes, traces, actes) hors du champ restreint, homologué, « orthopédique » de la littérature.
À la même époque, Jean Dubuffet et André Breton inauguraient l'art brut, « l'art à l'état sauvage », avec la publication des Cahiers de l'art brut : c'était la prise de conscience, un peu tardive, d'un domaine déjà entrevu à Zurich par Hugo Ball, Arp et Tristan Tzara, dès 1916, et à Berlin en 1918 par Raoul Hausmann, puis à Hanovre par Kurt Schwitters (6) en 1920. Bryen, dans sa postface de l'Anthologie de la poésie naturelle, synthétise tout ce qui le motive depuis non seulement les années trente, mais bien plus loin, depuis son adolescence : « La poésie naturelle peut être considérée comme l'expression d'une conscience immédiate n'ayant d'autre critère que sa propre existence. L'une de ses caractéristiques les plus permanentes est son évidence. Toutes les communications entre les hommes revêtent cette forme de coïncidence qui s'impose, teintée de psychisme et de hasard, fleurs ou cristaux éclatés de ces zones où l'inconscient et le conscient se dévorent, où l'humour et le tragique se saluent. Les affiches déchirées dans les rues, les chansons des faubourgs dont quelques mots oubliés font une étrange mélopée, les peintures idiotes, les poètes qui n'ont sacrifié ni aux exigences temporelles de la langue ni à son orthographe puérile, les discours des enfants, les jeux des médiums, les vitres brisées selon de curieuses structures, voilà quelques-uns des véhicules qui nous conduisent sur les territoires de la poésie naturelle [ ... ] Nous avons rencontré la poésie naturelle, celle qui est faite par tous et non par un, comme disait Lautréamont – et n'était-ce pas, même à son insu, ouvrir la voie à une acception de la poésie nue et première, faite non seulement par tous mais surtout par tout ? Celle qui sera de l'âme pour l'âme, comme disait Rimbaud (7). »
De multiples remarques éparpillées dans des préfaces et des entretiens ou quelques rares conférences (8) redisent la source fondamentale de son œuvre écrit et peint : « Qu'est-ce que c'est ce qui que quoi ? C'est qu'il faut résigner pacte avec son âme. Pacte avec le chat et la pierre, la fourmi et l'air et le feu, et l'eau et la terre.
– Qu'est-ce que c'est ce qui que quoi. J'explique oua oua, miaou abernaou. J'explique oua oua miaou abernaou oua oua. Il faut sortir de soimême [...] Les taches des murs, les fruits éclatés, des pavés, les flaques de terre ou de ciel, les bruits des choses qui se brisent ou qui chantent démontent notre pendule. [...] je me suis mis à creuser la bêtise, la vraie, celle qui fait le vide, comme dans une ampoule électrique, et qui vient vous éclairer comme un néon vivant [...] Il faut apprendre à désapprendre et commencer à penser en dépensant à dépenser la pensée réfléchie (9). »

Dans cette même conférence à la galerie Pierre, Bryen évoque la naissance de cette poésie naturelle qu'il avait entrevue dans l'introduction d'Arp au livre de Max Ernst, Histoire naturelle, publié en 1926, et qu'il avait reconnue dans l'ancienne pensée chinoise et le zen, dont il a lu, dans les années quarante, l'essai de Suzuki, Introduction au bouddhisme zen (10). « C'est en plongeant vers ma plus lointaine enfance que je réalise combien ce qui me troublait à cette époque participe peu des passions de l'homme [...] Je découvrais aussi une collection d'essences de bois rares. Chaque ligne, chaque contour, évoquait pour moi ou un monde imaginaire ou de très réels paysages, des profils d'hommes ou d'animaux. Plus tard je devais retrouver ces mêmes imaginations dans les racines, les pierres, les rochers, les taches, les peaux, les affiches déchirées, les étoffes usées, les lits défaits, les moisissures. » Univers « naturel » que son ami Wols a photographié avant 1940 : cette présence de l'éphémère et du discontinu, ces « élevages de poussière » ou ces murs de graffitis et de signes photographiés par Brassaï.
Dans l'ordre de la langue toutes les transformations sont permises afin de se désintoxiquer des orthodoxies, anciennes ou modernes : dès les années trente, Bryen utilise la comptine phonétique dans « Poème pour phono (11) », le collage des phrases découpées dans la presse, des calligrammes, des homophonies, des anagrammes, la tautologie comme les erreurs d'orthographe et de syntaxe, le bégaiement dont il n'exploitera jamais les ressources, ennemi de toute systématisation (12), déjà tourné ailleurs vers d'autres trou vailles comme ce poème visuel magnifique constitué par un panneau indicateur d'autobus, composé de lettres et de chiffres, et un « CB » en plein centre, un Camille Bryen in-volontaire. Cette poésie naturelle-là se manifestera encore à plusieurs reprises mais chaque fois différemment ; d'abord par un titre énigmatique, uniquement consonantique, HWPSMTB, à l'occasion de la deuxième exposition, en 1948, du mouvement de la non- figuration psychique chez Colette Allendy (13), par la défiguration par Raymond Hains de son poème phonétique de 1950 Hepérile, qui va devenir Hepérile éclaté, en 1953, une nouvelle œuvre de Bryen et d'Hains, un au-delà de l'œuvre individuelle, une œuvre « entren (14) », comme le panneau indicateur, une œuvre anonyme « révélée » par Bryen. Suite aux réflexions de Poésie de mots inconnus et de L'Ouvre-boîte, colloque abhumaniste, il déclare dans une note liminaire d'Hepérile éclaté : « Nous sommes saturés de communiqués, de lectures, d'humanisme. Vive le courant d'air de l'illisible, de l'inintelligible, de l'ouvert ! En écrivant Hepérile en mots inconnus, je criais organiquement sans référence au vocabulaire – cette police des mots… Hepérile éclaté, nouveau degré poétique, fait réapparaître le non-humain inexplicable à travers le machinisme dépassé. Le premier poème à dé-lire (15). » Bryen ouvre là un nouveau langage des signes, une sorte de broderie automatique par le verre cannelé, qui évoque ses broderies naturelles par le feu, de 1948, à la galerie Allendy, où il déclarait : « Il est plus naturel de broder que de peindre à l'huile, les hirondelles brodent le ciel depuis des millions d'années, il n'existe pas d'art appliqué (16). »

POÊME pour PHONO

NA - NI - VA - NE - O - SAILLI CA - RO - CIL - QUE
NA - NI - VA - NE - O - SA - NI - DA - NI - ESSE
LI - TO - RI - TA - SA - NE - O - DI - CI - CA - RO - CIL - QUE
GA - GI - SO - LA - MI - NA - ONI - ON - MI - LON
VI - CAN LA - NE - O - RA - NI - PA - NI - OC
LI - LAN - VI - OC - NE - O - LOR - SI - LA - NI - OC
DI - DO - CA - NE - I - LO - RA - DO - LI - ON

NA - NI - VA - NE - O - SA - ILLI CA - RO - CIL - QUE
NA - NI - VA - NE - O - SA - ILLI DA - NI - ESSE

in Expériences, 1932.

L'ultime expérience analogue sera la Lettre illettrée de 1971 où des « vers de Jean Racine ont été déracinés de Bérénice pour une délecture dans un bain de consonnes inconsommables avec flottaisons de mots ignorés » ; et l'on retrouve là une inédite version de Poésie de mots inconnus (17), un ensemble de consonnes et de voyelles libérées de leurs mots renvoyant insolitement, en écho indirect, à Schwitters (18) et aux poèmes-affiches d'Hausmann que Bryen ne pouvait ignorer car ils furent, pour la première fois, publiés en édition parisienne chez Losfeld, en 1958, dans l'ouvrage manifeste d'Hausmann Courrier dada. Il y a tout un champ d'exploration, dans ces années cinquante, tant autour de la lettre et du signe hypergraphique approfondi par le lettrisme, qu'autour de la poésie concrète (19) (la poésie naturelle linguistique) et qu'autour des commencements de la poésie sonore électronique que ne semble pas connaître Bryen, très peu enclin aux systématisations (20), toujours à l'écart d'une expérimentation théorique bien qu'il ait été très conscient de la naissance nécessaire d'autres formes, au-delà des genres établis, ce qui apparaît dans son dialogue avec Audibeni, en 1952, dans L'Ouvre-boîte, colloque abhumaniste.
Ce que Bryen annonce dans ce dialogue est déjà préfiguré, dès 1936, dans le Manifeste dimensioniste de son ami le poète hongrois Charles Sirato, contresigné par Pierre Albert-Birot, Arp, Bryen, Robert Delaunay, César Domela, Duchamp, Wassily Kandinsky, Picabia, Prinner, Sophie Taeuber Arp, etc. « Nous sommes obligés d'admettre – contrairement à la thèse classique – que l'Espace et le Temps ne sont plus des catégories différentes, mais suivant la conception non-euclidienne : des dimensions cohérentes, et ainsi toutes les anciennes limites et frontières des arts disparaissent [...] Animés par une nouvelle conception du monde, les arts, dans une fermentation collective (interpénétration des arts) se sont mis en mouvement et chacun d'eux a évolué avec une dimension nouvelle [...] Ensuite doit venir la création d'un art absolument nouveau : l'art cosmique. » En écho, un extrait de la proclamation qu'il rédigea avec Raoul Michelet, en 1935 : « L'activité poétique engage l'individu à fond, dans une objectivation de son mythe complet sans souci des contraintes morales, esthétiques ou logiques [...] L'activité poétique engage l'individu entièrement sans aucune subordination extérieure à elle [...] La poésie doit être désoccultée et vécue [...] La libération de l'homme sera la création de l'homme même (21). » Et vingt ans plus tard, dans la revue Spazio, une suite et une relance vers quelque chose d'autre : « Les mots sont usés les formes et les couleurs sont usées. Ce qui émeut dans la peinture actuelle, c'est en dehors des recherches esthétiques, des références à la réalité ou à des recettes géométriques, les formes, les taches, les gamahés qui ne semblent plus faites par des hommes, ni vouloir seulement parler aux hommes. La toile c'est alors comme une ouverture, comme une fente béante où se rétablit en courant d'air la présence du non-humain. J'y veux voir le rappel du réel qui vient nous réinventer. » Cela sonne étrangement proche de Lucio Fontana et de son spatialisme, d'un nouveau réalisme imprévu, tout comme d'un art infinitésimal annoncé par Isidore Isou, ou d'un Gutaï, dont Michel Tapié, ami de Bryen, inventeur de l'« art autre », fut l'introducteur en Europe.
C'est dans l'œuvre dialoguée L'Ouvre-boîte, colloque abhumaniste, achevée en mars 1952, que Bryen précise le mieux ses positions, excité par son ami Audiberti, qui lui aussi constate l'usure de la poésie verbale et rêve d'un nouveau monde où art-science-poésie ne seraient plus séparés ; en effet, tous deux sont membres du Club des Saventuriers, où règne la reine Fixie, la Fiction-Science (22). C'est quoi, cet abhumanisme pressenti en France par Audiberti, dès son manifeste de 1942, La Nouvelle Origine, élaboré en Italie par Benjamino Jopollo, un ami de Fontana et lancé à Paris, en 1952, par Bryen et Audiberti, sous la forme d'un dialogue où Bryen déclare : « L'abhumanisme ne codifie ni ne cristallise. Il accepte à fond que l'homme soit passage et transition. Il ne s'oppose pas au machinisme. Il a même la tentation de l'accélérer. Il est ‘ouvert' dans un monde qui risque de se boucher par accumulation. L'abhumanisme, dans le cadre du rassemblement ultravirulent et multiplanétaire, ne refuse de considérer aucun mouvement, aucun itinéraire particulier de la science et de l'intelligence. Mais il n'en préfère aucun. C'est par là qu'il est ouvre-boîte et cheval de Troie (23). » Bryen glisse de précieuses indications sur la poétique « naturelle » abhumaine : « L'abhumanisme se manifeste en forçant le poète à aller là où il n'irait pas humainement, en lui faisant rompre avec la suffisance des inspirations et des esthétiques huminantes. Exemple de poésie abhumaine : une montre arrêtée marque deux fois l'heure exacte en vingt-quatre heures [...] On atteint la poésie avec n'importe quoi, les vers, les films, les tomates. L'éclatement du langage, le retour à la tomate a toujours tenté le poète. Il fut vécu systématiquement dans la gauche poétique par les langages inventés, le zaoum futuriste russe, les cantilènes transmentales… Au-delà de l'effort humain le creuset abhumaniste récolte coquilles d'imprimerie, messages secrets des radios de guerre, lettres tombées des enseignes, tournois de salive dans les cafés, rue des Ciseaux, rue du Four, grincements de portes, aboiements de foule, bruit bruitage des tuyaux, éternuement au cinéma, raclements nasopharyngés et de fil en aiguille, certains discours politiques (24). » Bryen pressent même un possible film futur que ni Isou ni Maurice Lemaitre n'a encore théorisé bien qu'ils inventent cette même année (1952) une nouvelle esthétique du cinéma avec les deux films Traité de bave et d'éternité (Isou) et Le Film est déjà commencé (Lemaitre), dépassant Norman McLaren et dont Isou publie « la théorie » dans l'unique numéro de la revue ION en 1952.

Dans l'histoire du cinéma expérimental on oublie, par inadvertance, la position limite de Bryen qui sera, un jour, réalisée, sans qu'il le sache, au Canada, par Michael Snow, dans les années soixante-dix : Bryen imagine un exemple de poésie naturelle absolue : « S'il tenait à se déshumaniser, le cinéma devrait se servir de tous ses moyens techniques sans croire à la prééminence du parlant sur le muet, du sonore sur le parlant, du relief sur le sonore, du coloré sur le relief. Non seulement ces divers procédés méritent d'être employés à l'intérieur des séquences, où alterneraient du muet, du parlant, du dessin animé, de la photographie immobile, du bruitage pur et, en outre, des micmacs tels que celui de McLaren dessinant directement sur la pellicule et découpant des dentelles dans le son. Mais ce ne sont là que palliatifs de concours Lépine. Le véritable cinéma abhumain est tourné par des caméras automatiques, livrées à elles-mêmes. Les montagnards de l'abhumanisme iraient jusqu'à exiger que les enregistrements obtenus ne soient jamais « présentés ». Il n'est pas possible dans ce court laps de texte d'aborder la fermentation des années cinquante à Paris, la querelle lettriste autour d'Hausmann et de Schwitters ou le débat du zaoum avec Iliazd ; on ne peut que constater la méconnaissance de Dada en Allemagne, la survalorisation par Isou de Tzara, considéré comme l'incarnation de Dada, l'ignorance du domaine russe, tout particulièrement en ce qui concerne Vélimir Khlebnikov et le rôle d'Iliazd (des catalogues et des ouvrages précis relatent aujourd'hui exactement cette histoire).
La fiction théorique d'Isou est passionnante mais c'est une fiction de type hégélien sans le moindre sel dada ; plus tard, dans les années soixante, Fluxus ne voulut jamais élaborer une théorie d'ensemble car c'est une illusion (créatrice certes) de prétendre qu'une fiction théorique est la vérité. La querelle lettriste a permis d'approfondir le débat fondamental et a forcé Iliazd à fournir des preuves encore insuffisantes, avec la publication de Poésie de mots inconnus (1949), suite à la conférence de 1947 où Bryen présidait l'intervention d'Iliazd « Après nous, le lettrisme ». En cette année 1947 aurait dû paraître une anthologie de la poésie pré-lettriste par Hausmann, mais la querelle Isou-Hausmann ajourna cette édition et ce n'est qu'en 1958 que fut édité le livre d'Hausmann, Courrier dada. Mais laissons encore la parole à l'Homo Dragonans qui a toujours refusé l'enfermement dans un quelconque système positiviste que Friedrich Nietzsche avait déjà brisé avant 1900 : « Ce n'est pas pour rien que Zarathoustra avait commencé comme philologue. Si Nietzsche, en effet, a basculé dans la danse lyrique plus que dans la philosophie, c'est qu'il était philologue. Le langage est, depuis belle lurette, abhumaniste. Il éclate, il pourrit, il fourmille. Désintégré, réchauffé, il troubillonne, cervelle et écriture, il argonautise dans les faubourgs, il coq à l'âme dans les salons, il déboise dans les tables tournantes, gueule dans les affiches déchirées, le chant des ivrognes, les jeux des enfants, le cri des journaux. Cela n'est rien que le hasard, hasarde le zouave qui ronronne au garde-à-vous dans la guérite de l'homo-sapiens (25). » La poésie naturelle brouillonne alors dans les langues vertes inventées d'André Martel, Bernard Requichot, François Dufrène, Altagor, dans le jargon de Dubuffet et avec les remarquables équations linguistiques bégayeuses de Ghérasim Luca qui publie, en 1953, au Soleil Noir, Héros-Limite. Glissements, déformations, détournements, ânonnements, renversements, contractions, inventions, cris, dislocations, désarticulations, tout va dans toutes les directions, depuis les années soixante avec les poésies sonores (Henri Chopin), la poésie action (Bernard Heidsieck), la poésie élémentaire (Julien Blaine), la poésie totale (Adriano Spatola).

Michel Giroud



1. En 1964, je découvrais le poème phonétique de J. Audiberti, Le Camion de la solde, à la réserve de la Bibliothèque nationale de France, à Paris, dans le fameux recueil d'Iliazd, Poésie de mots inconnus, première anthologie internationale de poésie « abstraite », où m'apparurent les noms de H. Ball, R. Hausmann, V. Khlebnikov, K. Schwitters, M. Seuphor, etc. La révélation d'une avant-garde méconnue que le surréalisme oublia : un continent entier, refoulé, surgissait, que je devais explorer systématiquement sous la forme de Dada et de ses suites – lettrisme, internationale situationniste, Fluxus, etc. À la même époque, la revue Bizarre avait publié un numéro spécial sur la littérature illettrée.
2. Bryen expose en 1937 au bar La Cachette, à Paris, avec M. Duchamp, A. Egée, J. van Heeckeren, J.-H. Lévesque, F. Picabia; c'est la revue et les éditions Orbes, de son ami Lévesque, qui organisent l'événement où il y a tableaux, livres, dessins et concerts de jazz hot : le livre de B. Cendrars – qui introduit avant 1914 des « poèmes naturels » dans un recueil sous la forme, tel quel, de menus –, La Prose du transsibérien, avec les couleurs simultanées de S. Delaunay, La Mariée mise à nu par ses célibataires, même, de M. Duchamp, l'im'enteur, en 1913, de l'objet trouvé et de l'art aléatoire (l'an du jeu du hasard ou les fondements de la poésie naturelle), etc.
3. Bryen confirme les déclarations de Dada et de F.T. Marinetti qui dès 1913, annonçait les transformations de la poésie et qui entre 1929 et 1930 lançait son manifeste de la radio. Et, comme J. Audiberti, Bryen critique l'humanisme étriqué, quelques années avant d'écrire avec lui le colloque abhumain L'Ouvre-boîte, colloque abhumaniste que je lisais en 1964, et par lequel je rencontrais, pour la première fois, le nom de Bryen. Cette prise de position de 1944 dans La Poésie partout deviendra la ligne de fond de l'Homo Dragonans : « Le processus de conscience peut être continué en vivant les tendances au non-humanisme qui se font de plus en plus claires à travers les mystiques, la poésie et la peinture d'aujourd'hui. »
4. Cette recherche du trou, du vacuum, apparaîtra pleinement en 1952 dans le recueil Temps Troué, illustré par son ami J. Arp. « Crever la peau de la poésie » est comme un écho aux actions glossolaliques d'A. Artaud qui, en brisant toute tentative de littérature, fait surgir l'énergie du cri et la scansion d'un corps, une voix directe, hors de l'écran du style, dans une sorte de « charabia » comme il le proclama. Bryen, dès 1932, dans son « actuation poétique », cherchait à sortir du carcan littéraire et artistique par le dessin automatique, l'objet à fonctionnement absurde, le poème objet et le poème collage, rendant déjà caduque la séparation des arts et leur spécialisation. Artaud, H. Michaux, M. Duchamp, F. Picabia, Wols tentent aussi d'en finir avec ça, la séparation de la bouche, de l'œil, de l'oreille et du geste, pour être dans l'« acte ».
5. L'Anthologie de la poésie naturelle, achevée d'imprimer le 15 avril 1949, a été composée en 1948 avec la collaboration de Brassaï, Brunius, J. Carteret, A. Frédérique, Iliazd, F. Le Lionnais, Romi, J. Rouch, P. Thévenin, etc. C'est le premier recueil où apparaissent ensemble un poète breton « impérial » (déjà présenté à Paris avantguerre par R. Desnos), A. Boncors – que Raymond Hains rencontre en Bretagne dans les années quarante –, le génial linguiste brut J.-P. Brisset, auteur de La Science de Dieu. le Facteur Cheval, G. Chaissac, peintre et poète autodidacte, le Douanier Rousseau, H. Smith (qui inventa le martien [publié dans le livre du Dr. Flournoy, Des Indes à la planète Mars]), des extraits du Guide vert de 1946, du syllabaire Régimbault, etc. Était montré là un matériau linguistique « brut » ou « cru » qui, dès les années 1916-1918, avait déjà intéressé les dada de Zurich et de Berlin, à la poursuite d'expériences non-littéraires ou artistiques, celles des illuminés, des fous, des voyants, des autodidactes ; Prinzhorn avait déjà révélé en Allemagne l'art « naturel » ou « brut » des dits « malades mentaux ». Ce chantier, inauguré en France par A. Breton puis continué par J. Dubuffet en 1949, aboutira à la monumentale Encyclopédie des fous littéraires d'A. Blavier, dans les années quatre-vingt.
6. Le rôle du hasard dans l'art et la littérature apparaît dès 1913 avec Erratum musical et la théorie du readymade de M. Duchamp, en 1915-1916 avec les formes aléatoires de J. Arp, les dessins automatiques de F. Picabia, « les mots dans la bouche » et « dans un chapeau » de T. Tzara à Zurich, les glossolalies d' H. Ball, la poésie alphabétique et la poésie élémentaire de K. Schwitters, la poésie abstraite des constructivistes.
7. Ce concept, intuitif chez Bryen, va être enrichi par R. Filliou et G. Brecht avec La Cédille qui sourit (une boutique de multiples, des rencontres et un livre, à Villefranche-sur-Mer), la « poésie totale » d'A. Spatola en 1970 et la « poésie totalement totale » (PTT) ou la « poésie est tout partout » des années quatre-vingtdix, trouvée par Gerwulf, ainsi qu'avec la théorie de la banalité comme exotisme de P. A. Ghette l'immense jeu de coïncidences verbo-visuelles de R. Hains.
8. Dans ses deux manifestes, Actuation poétique et Manifeste dimensionniste, de 1935, comme dans ses conférences (L'Aventure des objets, 1937, L'Occulte sans occulte, 1938, L'Esprit dada, 1943 et Parole… parle, 1949). Bryen aborde cette question de l'élargissement de la poésie à l'ensemble de l'activité psychique, vers une poésie « énergie » et « style d'être » rejoignant par là F. Novalis et les romantiques. Poésie comme dépassement de la littérature et de la peinture, ce que M. Duchamp nomma bien à propos, dans les années cinquante, « pan' art ».
9. Ces extraits proviennent d'un manuscrit de Parole… parle un peu plus long que le texte reproduit dans le livre de D. Abadie ; mais son intérêt particulier est dans l'abondance des néologismes où Bryen transgresse le code admis, comme il le faisait si souvent dans sa conversation, dans un jaillissement quasi spontané de trouvailles verbales surprenantes : « j'inventionne l'invisible », « tout embardoufflé dans les bobards dans les bombes dans les meurtrailleuses tout englué dans les chewing-gums, les sexologies, les ocularies, les sociologies, les soshorlogeries ». Style parlé, inventions verbales d'une langue en mouvement, la langue « verte », comme la nommait N. Arnaud, la langue vivante, la langue « crue », le génie de la langue populaire en transformation permanente.
10. C'est à propos de F. Picabia, dans un numéro spécial de la revue Orbes, de 1955, dernier hommage au Dada excentrique qui venait de mourir, qu'il évoque le zen : « Cette destruction-genèse picabienne, où toutes les formes sont dévorées, se retrouve chez les Maîtres Zen dans la pratique du Koan, ce rébus sans solution qui fait éclater le mental en non-mental et libère l'adepte de l'un et de l'autre. Il me plaît d'ailleurs de confondre avec Francis Picabia, Suzuki, le Maître du Zen, qui disait dernièrement à deux étudiants venus l'interroger lors d'un de ses séjours en Suisse : « Vous vous dites peut-être que le Zen perd de vue les dimensions de l'homme, et moi je vous dis qu'il n'y a qu'un moyen de rejoindre la nature profonde de l'homme, c'est le non-humain. » Le négatif n'est négatif qu'immobile. Dada en russe veut dire : « oui-oui ». Et c'est à propos de J. Arp (Le Siège de l'air ; Paris, K. éditeur, 1946) qu'il évoque le tao : « Un tao poétique ? s'il vous plaît. Tao n'est-il pas une métaphysique organique, où l'homme huilé de sagesse vit en accord avec les soleils et les nuits ? Les poèmes d'Arp sont tous hantés par cet état de conscience en dehors des temps postiches inventés par les horloges et les vocabulaires. Aucun conformisme n'y prévaut. »
11. Ce poème est publié en 1932 dans Expériences ; il ne sera enregistré et publié sur vinyle qu'en 1964, dans Carte blanche à Camille Bryen, par Bryen lui-même, de sa voix d'insecte, métallique, si particulière, qu'H. Chopin ne découvre que tardivement. C'est une comptine enfantine mais magique, qui n'a rien d'enfantin, c'est une chanson phonétique et sémantique qui va parcourir secrètement son œuvre et qui donne un ton, le ton Bryen, au poème Saint Picabia, à Désécriture ; son ami Iliazd lui répond en 1950 par quelque chose d'analogue et de subtil : Trois fois rien.
12. La querelle lettriste de 1947 et 1948 fut l'affrontement non résolu, non résolvable, entre les partisans d'un système esthétique et les partisans du non-système ; on peut suivre cette bataille depuis l'Antiquité entre les théoriciens du vrai système et les partisans du doute créatif jusqu'à Hegel/Marx et F. Nietzsche, puis avec Dada et le constructivisme radical, enfin avec le lettrisme et Fluxus. La querelle Hausmann/Iliazd/Bryen contre I. Isou et vice versa s'engage sur ce terrain où personne ne peut gagner car ce sont des paris, avec leurs failles réciproques. Une étude particulière sur ce sujet est en préparation dans l'ouvrage Paris et les avant-gardes, 1945-1972.
13. Ce sont les initiales des membres du nouveau groupement formé par M. Tapié et Bryen : Hartung, Wols, Picabia, Stahly, Mathieu, Tapié, Bryen, d'où proviendra 1'« art autre » de Tapié. Là encore, Bryen affectionne le dépassement de l'individu, à la recherche d'une collaboration, d'un dialogue, comme il le fera avec J. Arp, J. Audiberti puis R. Hains.
14. Une œuvre « entre » : c'est l'obsession de Bryen que de vouloir échapper à toute fixation, à toute fixité, à toute définition, à toute immobilité ; le poème manifeste de 1956, Jepeinsje, évoque cette permanence du devenir « troué ». « Trouez trouez les pieds des mots », « Exprimer d'être N'être qu'entre Plus aucune surveillance Le vide éclate en racine d'air » ; cet « entre » se nomme Between Poetry and Painting en 1964, à Londres, titre de la première exposition des artistes poètes ; K. Schwitters, en 1948, l'avait nommé « poésure et peintrie » et ce fut le titre de la première exposition de ce genre en France, à Marseille, en 1993 ; D. Higgins, un des membres fondateurs de Fluxus, le nomme « intermédia » et publie un essai sous cet intitulé en 1964, à New York. Ce terme, qu'Higgins emprunte à T. E. Coleridge, devient un concept clé des actions de W. Vostell dans les années soixante ; un ouvrage paraîtra sur l'ensemble de ces recherches à la fin de l'année 1998.
15. À l'aube de la poésie visuelle et sonore, une autre poésie « naturelle » apparaît avec les « ultra-lettres » trouvées par R. Hains grâce aux déformations opérées par le verre cannelé. Dans une note sur Hepérile éclaté, il est dit : « Nous n'avons pas découvert les ultra-lettres, nous nous découvrons plutôt en elles. L'écriture n'a pas attendu notre intervention pour éclater. Il y a eu des ultra-lettres à l'état sauvage. Notre mérite – ou notre astuce – c'est d'avoir vu des ultra-lettres là où nous étions habitués à voir des lettres déformées. Enfin nous nous servons de trames de verre cannelé qui dépossèdent les écrits de leur signification originelle ; par une démarche analogue, il est possible de faire éclater la parole en ultra-mots qu'aucune bouche humaine ne saurait dire. Le verre cannelé nous semble l'un des plus sûrs moyens de s'écarter de la légèreté poétique. Hepérile éclaté est un livre bouc-émissaire. » (Hains et J. de La Villeglé.) G. Apollinaire annonçait déjà cette possibilité en 1914 dans La Victoire. C'est une première idée de ce que va être le sampling dans les années quatre-vingt, comme une annonce des manipulations magnétophoniques dans les années soixante (B. Heidsieck, F. Dufrène, H. Chopin), des combinatoires cybernétiques de B. Gysin réalisées par son ami informaticien J. Sommerville en 1960 ou encore les jeux de vitesse et de rupture avec des platines par les discjockeys. On peut obtenir le même effet démultiplicateur et déformant avec la photo et le film, ce que fit Hains, dès 1949, nouvelle trouvaille après le film rayogramme de Man Ray, des années vingt, Le Retour à la raison. Ce tremblement de la langue, une sorte de bégaiement répétitif, G. Luca l'expose, dès 1953, dans son recueil Héros-Limite. Mais n'oublions pas que Le Secret du vide et du plein, aux éditions de l'Infra Noir, est paru en 1947. La seule revue qui accueille alors ces « nouveautés », c'est Phases (fondée par É. Jaguer) et son antenne à Bruxelles, Edda : là on retrouve Bryen, G. Luca, R. Hausmann, H. Chopin, (avant qu'il ne reprenne le relais, à partir de 1964, avec sa revue-disque OU).
16. C'est à l'occasion de l'exposition collective Tapisseries et broderies abstraites, préfacée par J. Arp et Bryen, en 1948, que R. Hains rencontre Bryen et découvre sa pièce Broderie du feu (le rideau brûlé de sa chambre). Broderie automatique dont on retrouve une autre forme avec la gravure à quatre mains d'Arp et Bryen pour Poésie de mots inconnus.
17. Le dernier numéro de la revue K. (n° 3) lui a été consacré en 1948 et Bryen. lui rend hommage par un poème. J. Arp fut l'introducteur de K. Schwitters à Paris.
18. La poésie concrète apparaît en 1953 par le manifeste d'E. Gomringer, à Zurich, et avec les frères Ocampos et D. Pignatari à São Paulo ; c'est l'exploration du matériau linguistique, en lui-même, sans projection psychique ou idéelle ni quelconque image, dans la ligne radicale et minimale du constructivisme hollandais et de la poésie élémentaire de K. Schwitters. Poésie naturelle pure, systématique, que Bryen ne semble pas avoir connue : aucune revue ne la mentionne, avant son introduction discrète en France, en 1962, par P. Garnier dans une série spéciale de la revue Lettres nouvelles.
19. Bryen refuse toute expérimentation systématique, que ce soit celle du lettrisme ou de la poésie sonore comme de l'internationale situationniste, car il est pour l'ouverture et contre toute doctrine.
20. Des « actions » des années trente aux « dérives » des années cinquante et soixante, Bryen ne cesse de rompre avec toute ligne directive reconnaissable et ses rencontres avec J. Wolman et J.-L. Brau, comme avec F. Dufrène, dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés, disent seulement sa flexibilité et son cheminement solitaire, son refus d'appartenir à un quelconque groupe et à lui-même.
21. Ces déclarations sont précieuses pour établir les fondements d'une pré-histoire de Fluxus en France, dans les années cinquante. Un texte inédit de 1937 (publié pour la première fois dans le livre de D. Abadie, en 1973), « 3 jeux pour le développement de l'irresponsable », évoque, en particulier, le jeu du oui/non et l'on sait l'importance du jeu pour Fluxus (comme pour l'internationale situationniste) : « Ce jeu serait adaptable à tous les instants de la vie permettant ainsi de poser non seulement une affirmation. mais son contraire et entraînant la gratuité de l'acte par l'absence de décision personnelle [...] Le joueur est tenu après avoir lu les commandements de les exécuter après cinq minutes (...) Je souhaite qu'une expérience de ce genre dans une vaste dimension soit tentée un jour par des personnages sans préjugés capables d'exécuter n'importe quel ordre. » Un pas de plus et nous avons les « actions » du happenning d'A. Kaprow et de W. Vostell comme les events de Fluxus. Le « théâtre total » de Ben et les pièces de R. Filliou et de J. Dupuy sans acteurs ni spectateurs.
22. Le club se nomma également le « club des Hyperthétiques groupant les écrivains intéressés à la Fixion Science », dit Bryen dans une note biographique ; on retrouve là J. Audiberti. Bryen, F. Le Lionnais, R. Queneau, B. Vian, etc. Cette autre poésie naturelle scientifique magnifiée par J. Verne, revue par A. Jarry et R. Roussel, détournée par M. Duchamp, aboutit à la pataphysique dans les années cinquante.
23. Comme Dada, Bryen s'avance déguisé, dada endiablé (« emballé » ?), toujours à la frontière, dans le nonsens, dans le multi-sens.
24. Discrètement, apparaissent des allusions au futurisme et au bruitisme comme à la toute nouvelle « musique concrète » de P. Schaeffer et P. Henry. Le studio de recherche de l'ORTF a été fondé en 1947.
25. G. Apollinaire, en 1914, prédisait dans Le Poète assassiné l'apparition d'une poésie bruitiste et signiste, sonore. Élémentaire : « Je n'écrirai plus qu'une poésie libre de toute entrave, serait-ce celle du langage. » Et N. Arnaud, dans son essai sur « Les jargons » dans Bizarre en 1964, poursuit : « Et ainsi jusqu'à nos jours, des audacieux, ou des timides, des absolus ou des mitigés : Eugène Jolas, Henri Michaux, Audiberti, Camille Bryen ou Maurice Blanchard [...] » Et l'on pourrait compléter avec A. Martel, J. Dubuffet, R. Queneau, Altagor, B. Requichot, F. Dufrène, J. Wolman, J. Blaine, G. Luca, J.-F. Bory, B. Heidsieck, H. Chopin, etc.


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