les presses du réel

This & There

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Email aux participants
(p. 6-7)


La Fondation d'entreprise Ricard (Paris) consacre une exposition au Pavillon pour fêter son dixième anniversaire. Ange Leccia et Christian Merlhiot, les créateurs et porteurs de ce laboratoire dédié à la création plastique contemporaine, m'ont confié sa conception.

Pour cette mission, au lieu de définir des règles, un thème, un jeu, un mode d'accrochage, un médium privilégié, une architecture, etc., j'ai cherché au contraire à préserver la liberté de chacun, et à mettre en avant son action : celle des artistes invités à montrer leur travail dans une exposition collective incluant un nombre exceptionnellement important de participants, celle d'Ange Leccia et Christian Merlhiot qui ont mis entre mes mains une partie de l'histoire du Pavillon, la mienne, qui suis associé à cette histoire après-coup.

Je souhaite que cette volonté se manifeste dans les deux réseaux de relations produits par les œuvres présentées : dans le rapport que les œuvres entretiendront les unes avec les autres d'une part, et dans leur rapport avec le public d'autre part. Une particularité de cette exposition est que les cent résidents du Pavillon des dix dernières années ne sont pas tous des artistes plasticiens et n'exposent pas tous d'œuvres.

Pour constituer ces relations, rassembler les très nombreux travaux dans l'espace neutre de la Fondation d'entreprise Ricard risque d'être normatif, l'accumulation de travaux appauvrissante. Les salles ne permettront pas au public d'avoir une perception spécifique de cent propositions singulières. Il sera également difficile de présenter les projets si la miniaturisation des productions ou leur superposition n'est pas le résultat d'une décision, mais l'effet d'une contrainte.

À la place d'un accrochage à la Fondation, j'ai invité les participants à montrer ou remontrer un travail, une intervention, dans le lieu ou sur le support de leur choix, par exemple dans l'espace urbain, dans la presse, sur internet, dans un espace privé accessible au public, sur un t-shirt, avec un haut-parleur, un téléphone, un écran, etc. À l'intérieur de limites qui sont donc essentiellement d'ordre temporel, le temps de l'exposition. Quelques œuvres pourraient même être isolées géographiquement, loin de Paris, exposées et invisibles.

Il ne s'agit pas d'énumérer tous les espaces possibles où une œuvre peut être vue, mais de montrer comment l'environnement investi par le travail rend sa présence/son action pertinente. Le titre de la manifestation est « Ça & là », en anglais « This & There ». Il insiste sur le couple objet (ou action) et place, tout en jouant avec les expressions délibérément irrésolues « çà et là » et « ceci cela », en anglais « this and that » et « here and there ».

Cette expérience poursuit les réflexions d'artistes, de critiques, de curators sur la place de l'art au sens figuré à partir de la place qu'il occupe au sens littéral. Créer une pièce pour un lieu particulier semble provoquer davantage de sensibilité à l'art et à son environnement... Des explorations très intéressantes ont été menées par des organisations comme Site (Santa Fe, et leur récente exposition « March 2012 » en hommage à « March 1969 » de Seth Siegelaub), la Galerie Extérieure (Paris, depuis 2006), Artangel (Londres, depuis 1992), le Museum in Progress (Vienne, depuis 1990), la Galerie 1-37 (Paris, 1972), des mouvements comme Fluxus, l'Internationale situationniste, Gutai, Dada au Cabaret Voltaire, et de nombreux artistes comme Akram Zaatari avec Hashem el Madani - Itinerary (2007), Thomas Hirschhorn et ses constructions temporaires dans l'espace public, Gianni Motti et ses « GM Assistant » qui parcourent le monde (1997), Boris Achour avec ses Actions-peu (1993-1997), Marylène Negro avec ses emballages de produits alimentaires (Très bon - bon - acceptable - insuffisant - très insuffisant, 1992), General Idea avec leurs affichages « Aids » (années 1980), Jiri Kovanda avec ses installations miniatures dans l'espace public (Une petite boîte pleine de fleurs de rhododendrons secs rouges, une autre pleine de fleurs de rhododendrons secs blanches, 1981), Lotty Rosenfeld avec ses « Art Actions » (Crosses marked over the Panamerican Highway, Chile, 1981), Stephen Shore avec la mise en circulation de cartes postales autoproduites, Gordon Matta-Clark avec son Fresh Air Cart (1972), Mierle Laderman Ukeles avec Maintenance Art! (1969), Roelof Louw avec ses 20 Wedge Shaped Cast-Iron Blocks (1969), Robert Barry avec Closed Gallery Piece (1969), Lee Lozano avec General Strike Piece (1969), Daniel Buren avec ses affichages sauvages (fin 1960), Jan Dibbets avec son geste du pouce les 9, 12 et 30 mai 1969, etc.

C'est aussi l'occasion de remettre en cause certains usages, certains présupposés, comme l'atemporalité de l'œuvre qui est placée dans l'espace public, et l'autorité qui va avec, ou inversement l'occultation de l'épaisseur du temps et de la perception de l'art dans les expositions événementielles assujetties aux impératifs de la communication et de la billetterie.

Concrètement, « Ça & là » consistera en un dialogue d'interventions et d'actions continues et discontinues à voir/percevoir dans différents environnements, du 10 avril au 21 mai 2012.

Les maquettes des pages du catalogue de l'exposition, sans images, seront affichées dans les salles de la Fondation pour donner aux visiteurs les informations utiles sur les propositions et leurs localisations matérielles ou immatérielles. Un plan sera offert, un autre accessible sur internet. Il n'y aura pas de blog, de chaîne YouTube, de page Facebook, d'appli iPhone développés pour communiquer sur la manifestation (mais ces plates-formes sont disponibles pour les participants qui souhaitent les investir).

La publication paraîtra le dernier jour, le 21 mai 2012. Elle montrera chaque œuvre et le principe de l'« accrochage » de façon très simple, en s'appuyant sur la structure binaire des pages du livre : au recto, une photographie du lieu de l'intervention avant, au verso, une photographie après. La première en pleine page, à fond perdu, la seconde encadrée par le blanc de la page, pour évoquer l'opposition entre un environnement impossible à saisir dans sa totalité et une intervention particulière, déterminée.

La publication présentera uniquement des photos in situ et leurs légendes (pas de texte pour résumer le propos des artistes). Pour préserver une cohérence iconographique, indispensable pour appréhender les travaux participant à l'exposition dans leur diversité, je prends, lorsque c'est possible, les photographies moi-même. Ces images constituent en quelque sorte les introductions du commissaire d'exposition aux travaux présentés.

CC
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